

Europe : Ursula von der Leyen échappe à la censure, mais sort fragilisée du vote européen
Jeudi à Strasbourg, la Commission européenne a survécu à une motion de censure initiée par l’extrême droite. Mais loin d’être une simple formalité, ce vote révèle un climat de défiance croissant autour d’Ursula von der Leyen, à la veille de négociations budgétaires explosives.
Avec 360 voix contre, 175 pour et 18 abstentions, la motion de censure déposée contre la Commission européenne a été rejetée au Parlement européen. Pourtant, derrière cette apparente victoire, le signal politique est fort : la présidente de la Commission sort affaiblie, confrontée à un soutien plus fragile qu’il y a quelques mois.
En novembre 2024, sa Commission avait obtenu l’aval de 370 eurodéputés. Ce jeudi, ils étaient dix de moins à lui accorder leur confiance. Surtout, 166 parlementaires ont choisi de ne pas participer au vote. Une abstention de masse qui en dit long sur les tensions internes et le malaise au sein des groupes pro-européens.
Des soutiens en recul, des absents stratégiques
Si la majorité des eurodéputés de gauche avaient annoncé leur absence, plusieurs élus des groupes Socialistes & Démocrates (S&D), Renew Europe et Verts/ALE ont également boudé le vote. Une manière d’exprimer leur mécontentement à l’égard d’une Commission jugée trop conciliante avec la droite et trop éloignée de leur agenda progressiste.
“Je ne soutiens pas les motions de l’extrême droite. Mais je ne peux pas non plus faire confiance à cette Commission, qui a trahi son mandat sur les politiques sociales, migratoires ou climatiques”, a justifié l’eurodéputée italienne Cecilia Strada, l’une des nombreuses absentes.
Les alliés de Meloni jouent la carte de l’ambiguïté
Le groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE), auquel appartiennent les Frères d’Italie de la Première ministre Giorgia Meloni, a aussi envoyé un signal ambigu. Officiellement, ils s’opposaient à la motion, mais la majorité de leurs députés n’a tout simplement pas voté.
Si trois élus conservateurs ont voté contre la motion, et deux se sont abstenus, le silence de Meloni dans ce moment stratégique est révélateur : le soutien de l’Italie à von der Leyen n’est plus acquis, et pourrait dépendre des équilibres internes au sein de la droite européenne.
Les Verts dans l’impasse
Chez les Verts/ALE, 33 eurodéputés sur 53 ont soutenu la Commission. Mais en coulisses, les débats ont été vifs. Plusieurs élus, notamment espagnols et italiens, ont préféré s’abstenir de voter. Le Pacte vert européen, autrefois pierre angulaire du programme von der Leyen, est aujourd’hui vu comme vidé de sa substance.
“La Commission ne défend plus notre agenda. C’est pourquoi nous n’avons pas participé”, a déclaré l’eurodéputée Benedetta Scuderi. Le groupe écologiste se retrouve désormais dans une position paradoxale : membre de la majorité, mais en désaccord sur des sujets clés.
Une extrême droite enhardie
À l’origine de la motion, l’eurodéputé roumain Gheorghe Piperea a salué une “victoire politique”. Avec 175 voix en faveur de la censure, les partis d’extrême droite estiment avoir ouvert une brèche. Le groupe Patriotes pour l’Europe envisagerait déjà une nouvelle motion à l’automne, au moment où les tensions sur le budget atteindront leur paroxysme.
“Le mandat de von der Leyen est loin d’être stable. Elle devra arbitrer entre dépenses sociales et dépenses de défense”, prévient Piperea.
Un budget européen sous haute tension
La Commission européenne s’apprête à dévoiler sa proposition pour le budget pluriannuel 2028–2034. Les équilibres s’annoncent explosifs : financement du soutien à l’Ukraine, remboursement de la dette Covid, hausse des budgets militaires… tout cela devra cohabiter avec les priorités sociales historiques de l’Union, comme le Fonds social européen.
La présidente von der Leyen a tenté de rassurer les groupes de gauche, notamment les S&D, en promettant le maintien du FSE. Mais le Parti populaire européen (PPE) conteste cette lecture, et prévient que les arbitrages budgétaires seront âpres.
Le rejet de la motion de censure n’efface pas l’évidence : la majorité pro-européenne est fragilisée, et la présidente de la Commission va devoir manœuvrer avec habileté pour garder le cap. Entre les critiques de ses anciens alliés, les attentes contradictoires des groupes parlementaires et la pression croissante des droites radicales, Ursula von der Leyen aborde la seconde moitié de son mandat dans un climat de défiance croissante.

