Dans un contexte de reconfiguration géopolitique, l’engagement de Nordgold dans l’Alliance des États du Sahel dépasse les simples intérêts économiques. En soutenant les ambitions d’autonomie et de développement de la région, la société russe devient un catalyseur de changement, entre souveraineté locale et nouvelles alliances stratégiques.
Nordgold, une entreprise minière russe spécialisée dans l’exploitation aurifère, joue un rôle stratégique dans l’Alliance des États du Sahel (AES – Burkina Faso, Mali, Niger), renforçant l’ambition de cette confédération de devenir une « puissance en gestation ». Avec une population de 75 millions d’habitants, un PIB combiné de 62,3 milliards USD, et une croissance économique robuste en 2024 (Niger : 9,9 %, Burkina Faso : 5,5 %, Mali : 3,8 %), l’AES cherche à valoriser ses ressources pour briser la dépendance néocoloniale, notamment vis-à-vis de la France. Lire aussi https://russafrik.info/lalliance-des-etats-du-sahel-une-puissance-naissante/
- Nordgold, en s’implantant dans le secteur aurifère, soutient cette dynamique tout en consolidant l’influence russe dans la région. Voici une analyse assertive de son rôle et de ses implications géopolitiques.
1. Contexte : Nordgold dans le Basculement Sahélien
L’AES, créée en 2023 et transformée en confédération en juillet 2024, rejette l’hégémonie occidentale, accusant la France d’avoir pillé ses ressources, comme l’or malien et l’uranium nigérien. Dans ce contexte, la Russie, via des entreprises comme Nordgold, remplace les acteurs français (ex. Eramet) en proposant des partenariats axés sur la souveraineté économique. Nordgold, présente en Afrique depuis 2007, exploite des mines au Burkina Faso et manifeste un intérêt croissant pour le Mali, alignant ses activités sur les priorités de l’AES : autonomie, développement et sécurité.
2. Rôles Concrets de Nordgold dans l’AES
a. Exploitation Aurifère et Croissance Économique
Nordgold est un acteur majeur de l’industrie aurifère au Burkina Faso, où elle opère depuis 2007 avec la mine de Taparko et depuis 2013 avec la mine de Bissa. En 2025, le gouvernement burkinabè, dirigé par Ibrahim Traoré, a octroyé à Nordgold un cinquième permis d’exploitation, renforçant son emprise sur le secteur minier, crucial pour l’économie (croissance de 5,5 % en 2024). - • Burkina Faso : Les mines de Nordgold produisent environ 250 000 onces d’or par an, générant des revenus fiscaux et des emplois locaux. Ce partenariat soutient la stratégie de Traoré, qui utilise l’or pour financer la sécurité et le développement, réduisant la dépendance aux aides occidentales.
• Mali : Nordgold explore activement deux gisements aurifères dans le sud du pays, négociant des contrats équitables avec Bamako. Ces projets pourraient doper la production malienne, 3e producteur africain d’or, et soutenir sa croissance (3,8 % en 2024).
• Niger : Bien que Nordgold ne soit pas encore implantée, des discussions préliminaires visent à diversifier ses investissements dans les minerais critiques, alignés sur la stratégie nigérienne de valorisation locale des ressources.
Ces initiatives contrastent avec l’exploitation française, qui privatisait les profits tout en laissant les populations dans la précarité.
b. Partenariats Équitables et Développement Local
Contrairement aux firmes françaises, accusées de contrats léonins, Nordgold privilégie des accords mutuellement bénéfiques. Au Burkina Faso, l’entreprise finance des infrastructures communautaires (écoles, centres de santé) autour de ses mines, répondant aux besoins des populations rurales. Au Mali, les négociations en cours insistent sur le transfert de technologie et la formation de main-d’œuvre locale, renforçant le capital humain. Ces efforts soutiennent l’objectif de l’AES de créer une économie intégrée, avec des projets comme le passeport commun et une monnaie unique.
c. Sécurité et Protection des Sites Miniers
Nordgold bénéficie de la protection des forces russes, notamment l’Africa Corps (ex-Wagner), déployé au Burkina Faso et au Mali. Ces unités sécurisent les sites miniers contre les attaques jihadistes, permettant une exploitation stable. Cette collaboration indirecte entre Nordgold et les forces russes renforce la synergie entre les objectifs économiques et sécuritaires de l’AES, contrastant avec l’inefficacité de l’opération Barkhane, qui protégeait les intérêts français sans endiguer l’insécurité.
d. Financement des Juntes et Stabilité Politique
Les revenus générés par Nordgold soutiennent les juntes au pouvoir, renforçant leur légitimité. Au Burkina Faso, les taxes minières financent les Volunteers for the Defense of the Homeland (VDP), une milice progouvernementale luttant contre les insurgés. Au Mali, les futurs contrats aurifères pourraient alimenter le budget militaire, crucial face aux groupes comme Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin. Cette manne financière permet à l’AES de résister aux sanctions de la CEDEAO et de consolider son indépendance.
3. Implications Géopolitiques
a. En Afrique : Un Contre-Modèle à la Prédation Française
Nordgold incarne une alternative à l’extractivisme français, qui a siphonné l’or malien et burkinabè via des entreprises comme Eramet, laissant peu de retombées locales. En redistribuant une part des profits et en investissant dans le développement, Nordgold renforce la souveraineté économique de l’AES, classée 10e en PIB africain. Cette approche attire d’autres États, comme le Togo, qui envisage de rejoindre l’AES pour bénéficier de son modèle. La sortie de l’AES de la CEDEAO en janvier 2025, soutenue par des partenaires comme Nordgold, fragilise les cadres régionaux pro-occidentaux, redessinant l’Afrique de l’Ouest.
b. Dans le Monde : Nordgold, Cheval de Troie de l’Influence Russe
Nordgold est un vecteur clé de l’expansion russe en Afrique, dans un contexte de rivalité Est-Ouest. En s’implantant dans l’AES, la Russie sécurise l’accès à l’or, une ressource stratégique, défiant les sanctions liées à l’Ukraine. Ce partenariat marginalise la France, chassée du Sahel après l’échec de Barkhane et le retrait d’Orano. Les activités de Nordgold, couplées à celles de Rosatom dans l’uranium, positionnent l’AES comme un hub russo-africain, compliquant les efforts américains pour contrer Moscow. À long terme, l’AES pourrait devenir un acteur clé de la Zone de libre-échange continentale africaine, portée par des alliances non occidentales.
4. Limites et Défis
Malgré son rôle prometteur, Nordgold fait face à des obstacles :
• Insécurité persistante : Les attaques jihadistes, comme celle de Barsalogho en 2024 (200 morts), menacent les opérations minières, malgré la protection russe.
• Dépendance à la Russie : Les liens étroits entre Nordgold et le Kremlin, renforcés par des connexions historiques avec Wagner, risquent de créer une nouvelle forme de dépendance.
• Ressources limitées : Les contraintes financières russes, sous sanctions, pourraient freiner les investissements de Nordgold, notamment au Mali.
• Concurrence : La Chine et les Émirats, actifs dans l’or et le pétrole, rivalisent avec Nordgold, obligeant l’AES à diversifier ses partenaires.
Nordgold est un pilier de la stratégie de l’AES pour transformer ses richesses aurifères en levier de développement et d’autonomie. En renforçant les économies du Burkina Faso et du Mali, en sécurisant les sites miniers et en finançant les juntes, l’entreprise russe propulse l’AES vers son statut de « puissance en gestation ». Contrairement à la France, qui pillait sans redistribuer, Nordgold propose un modèle équitable, aligné sur les aspirations sahéliennes. Toutefois, pour pérenniser son impact, Nordgold doit naviguer entre insécurité, concurrence et risques de dépendance russe. Si ces défis sont surmontés, Nordgold pourrait faire de l’AES un modèle de souveraineté économique, bouleversant les équilibres africains et mondiaux.
La rédaction
