

Cinq hommes condamnés pour des crimes graves ont été expulsés par les États-Unis vers l’Eswatini, un pays d’Afrique australe sans lien avec eux. Cette décision, discrète mais lourde de conséquences, relance les débats sur les déportations vers des pays africains.
Ils sont cinq. Cinq hommes condamnés aux États-Unis pour des crimes d’une extrême gravité : viols d’enfants, meurtres, violences répétées. Libérés de prison mais toujours détenus par les services de l’immigration, ils représentaient un casse-tête diplomatique pour Washington. Leurs pays d’origine le Vietnam, Cuba, la Jamaïque, le Yémen et le Laos ont refusé de les accueillir. Faute de solution, les autorités américaines ont décidé de les envoyer… en Eswatini. Ce petit pays d’Afrique australe, sans lien avec ces hommes ni avec les dossiers judiciaires concernés, a accepté de les recevoir ce 15 juillet 2025. L’opération, passée presque inaperçue, a pourtant suscité une onde de choc dans les milieux diplomatiques et associatifs.
Ce transfert s’inscrit dans une politique discrètement remise en œuvre de Trump et récemment validée par la Cour suprême des États-Unis. Selon cette décision, le gouvernement américain a désormais le droit de déporter certains individus vers des pays africains, même s’ils n’y ont aucune attache, du moment qu’ils ne sont pas persécutés dans le pays d’accueil. En d’autres termes, peu importe l’origine ou l’histoire personnelle des expulsés, tant que le pays tiers accepte de les recevoir. C’est dans ce flou juridique que s’inscrit le choix de l’Eswatini.
L’opération pose de nombreuses questions. Pourquoi l’Eswatini ? À quelles conditions ces hommes ont-ils été acceptés ? Sont-ils libres de circuler, ou maintenus sous surveillance ? À ce jour, aucune réponse officielle n’a été apportée. Les ONG de défense des droits humains, elles, ne cachent pas leur inquiétude. Certaines dénoncent une externalisation cynique de la justice pénale, d’autres pointent une mise en danger manifeste, les expulsés risquant d’être livrés à eux-mêmes dans un pays qu’ils ne connaissent pas, sans ressources ni assistance légale.
Ce n’est pas la première fois que les États-Unis recourent à cette stratégie : d’autres expulsés avaient déjà été envoyés vers le Soudan du Sud ou vers certains pays d’Amérique centrale dans des conditions similaires. Mais cette nouvelle affaire, par la nature des crimes impliqués et l’opacité de l’opération, relance les critiques sur une pratique que beaucoup estiment contraire au droit international. L’Eswatini, peu connue pour sa transparence, devient ainsi malgré lui le théâtre d’un débat mondial sur les limites de la souveraineté américaine.
Ce que sont devenus ces cinq hommes depuis leur arrivée demeure incertain. Aucune information n’a été communiquée sur leur statut actuel ni sur leur sort. Mais leur présence sur un sol étranger où personne ne les attendait symbolise un paradoxe glaçant : celui de criminels déplacés sans explication, dans un territoire qui devra désormais composer avec leur présence, sans y avoir jamais consenti.
NGAMA
Correspondant, Moscou

