

Terrorisme en Afrique : l’expansion silencieuse d’une menace globale
Longtemps circonscrite à quelques foyers bien identifiés, la menace terroriste en Afrique ne cesse aujourd’hui de se réinventer, de se déplacer, et surtout de s’étendre. Du Sahel à la Corne de l’Afrique, du bassin du Lac Tchad aux côtes du golfe de Guinée, une vague silencieuse mais brutale de violence armée emporte avec elle des milliers de vies, déstabilise des États fragiles et sème la peur dans des zones jusqu’ici épargnées.
Le continent africain est aujourd’hui traversé par plusieurs fronts terroristes simultanés. Au nord, le Sahel reste l’épicentre du jihadisme saharien, dominé par deux blocs : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), rallié à Daech. Les pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont pris dans un engrenage de violence dont les répercussions débordent désormais largement leurs frontières.
À l’Est, Al-Shabaab continue de dicter sa loi en Somalie, en s’attaquant aux forces gouvernementales, aux populations civiles, et aux intérêts étrangers, tout en étendant ses opérations jusqu’au Kenya. Dans le bassin du Lac Tchad, Boko Haram et sa branche dissidente, l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), tiennent toujours en haleine le Nigeria, le Tchad, le Niger et le Cameroun.
À ces zones historiques s’ajoutent des foyers émergents : au nord du Mozambique, une insurrection islamiste a contraint des dizaines de milliers de civils à fuir. En République Démocratique du Congo, les Forces démocratiques alliées (ADF), liées à Daech, multiplient les massacres dans la région du Kivu.
Un terrorisme aux visages multiples
Ce terrorisme africain se distingue par sa capacité d’adaptation. Les groupes armés exploitent les faiblesses structurelles des États, les tensions communautaires, et l’absence de services publics pour se fondre dans le paysage local. Recrutant parmi des jeunes désœuvrés, manipulant les clivages ethniques et promettant protection ou revenus, ces organisations deviennent parfois une alternative – tragique mais réelle – à l’État.
Les attaques prennent des formes variées : raids contre des postes militaires, attentats-suicides, pose d’engins explosifs improvisés, enlèvements, massacres de civils. Ces dernières années, l’usage de la propagande en ligne et des drones a également fait son apparition, preuve d’une montée en sophistication.
Une riposte fragmentée, souvent inefficace
Face à cette montée en puissance, les réponses peinent à suivre le rythme. Les armées nationales, souvent sous-équipées et mal formées, subissent des pertes importantes. Des initiatives régionales comme le G5 Sahel ou la Force multinationale mixte dans le bassin du Lac Tchad existent, mais elles manquent de coordination, de financement, ou sont affaiblies par les tensions politiques.
Les grandes puissances, jadis très présentes (notamment la France avec Barkhane), se retirent progressivement ou révisent leurs partenariats. Les nouvelles alliances, parfois avec la Russie, la Turquie ou les Émirats arabes unis, modifient la carte des influences mais ne garantissent pas nécessairement plus d’efficacité.
Une menace qui se déplace… et se rapproche
Le plus préoccupant reste sans doute la migration du terrorisme vers les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest. Togo, Côte d’Ivoire, Ghana, et Bénin sont désormais touchés, malgré des années d’accalmie. Cette progression, presque silencieuse, révèle que la menace n’est plus périphérique mais centrale.
L’insécurité affecte désormais des zones à forte densité humaine, des corridors économiques majeurs, et menace la stabilité d’États autrefois considérés comme des bastions.
Quelles perspectives ?
Lutter contre le terrorisme en Afrique ne peut plus reposer uniquement sur l’option militaire. La réponse devra être multidimensionnelle : renforcement des institutions, accès à l’éducation, inclusion politique, justice sociale, et surtout écoute des communautés. Sans cela, les groupes armés continueront de prospérer sur les ruines du contrat social.
Le terrorisme en Afrique n’est plus un phénomène marginal. C’est une menace globale, enracinée dans les failles locales mais alimentée par des dynamiques régionales et internationales. Tant que les États africains – avec le soutien de partenaires cohérents – ne parviendront pas à regagner le cœur et la confiance de leurs populations, cette guerre silencieuse continuera de faire des ravages.

