

Turquie : Près de 300 arrestations pour terrorisme sur fond de dialogue avec le PKK
Le gouvernement turc accentue la pression sur les mouvements et sympathisants pro-kurdes accusés de “terrorisme” en même temps que se poursuit le dialogue, engagé à son initiative, avec le PKK en vue d’une trêve.
Près de 300 “membres présumés d’organisations terroristes” ont été arrêtés au cours des cinq derniers jours a annoncé le ministre de l’Intérieur Ali Yerlikaya, visant nommément le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) dans son communiqué. Ces arrestations ont été effectuées dans une cinquantaine de provinces du pays dont celles d’Istanbul, Ankara et des régions à majorité kurde à l’est du pays.
Plusieurs arrestations ont aussi visé des responsables du parti pro-kurde DEM, troisième force au Parlement, directement impliqué dans le dialogue initié avec Abdullah Öcalan, fondateur et chef historique du PKK.
Vers une trêve?
Détenu à l’isolement depuis 26 ans dans une île-prison au large d’Istanbul, “Apo” (oncle, en kurde), âgé de 75 ans, pourrait appeler le PKK à déposer les armes après des décennies de guérilla, en échange de concessions démocratiques du pouvoir à l’égard de la minorité kurde.
Une délégation du DEM a été autorisée à rencontrer Abdullah Öcalan à deux reprises. Elle se trouve depuis dimanche dans le nord de l’Irak, pour une série d’entretiens avec les autorités de la région autonome du Kurdistan dans le cadre de cette médiation.
‘’L’objectif du gouvernement [turc] est d’avancer avec une position avantageuse – la négociation – tout en envoyant le message que, si ces négociations n’aboutissent pas, il est prêt à accentuer les pressions sur le DEM’’ Sinan Ülgen, chercheur associé à la Fondation Carnegie Europe.
Mais le DEM est simultanément dans le viseur des autorités qui ont destitué ces derniers mois neuf de ses maires élus dans des régions à majorité kurde, remplacés par des administrateurs nommés par les autorités.
Un gouvernement qui joue sur deux tableaux
Pour Gönul Tol, du Middle East Institute à Washington, le chef de l’Etat joue sur deux tableaux. “D’un côté, il poursuit ces négociations avec le PKK, sans avoir vraiment adhéré à cette idée. De l’autre, il continue comme d’habitude avec les Kurdes, c’est-à-dire qu’il les cible, les emprisonne, les désigne et s’en prend aux édiles kurdes démocratiquement élus”, explique-t-elle.
Sinan Ülgen, chercheur associé à la Fondation Carnegie Europe, estime quant à lui qu’en agissant ainsi, “l’objectif du gouvernement est d’avancer avec une position avantageuse – la négociation – tout en envoyant le message que, si ces négociations n’aboutissent pas, il est prêt à accentuer les pressions sur le DEM”.
Dernière trêve en 2015
La Turquie a déjà connu de précédents espoirs de paix. Mais la dernière trêve, en 2015, avait volé en éclats pour déboucher sur une explosion de violences, en particulier dans le sud-est du pays.
Selon une estimation communément admise, le conflit avec le PKK a causé au moins 40’000 morts depuis 1984.

