

Vers un monde post-occidental ? La Russie, pivot des nouvelles alliances eurasiennes
Dans un contexte mondial marqué par la fragmentation des blocs traditionnels, la Russie s’affirme de plus en plus comme un acteur central dans la redéfinition des alliances internationales. Écartée des principales sphères d’influence occidentales à la suite de la guerre en Ukraine et de multiples vagues de sanctions économiques, Moscou opère aujourd’hui une bascule stratégique vers l’Est. À travers l’Organisation de Coopération de Shanghai (SCO), ses relations avec la Chine, l’Inde et même la Corée du Nord, la Russie se repositionne au cœur d’un nouvel ordre multipolaire, remettant en question l’unipolarité occidentale.
La Russie de Vladimir Poutine a fait de la diversification de ses alliances une priorité absolue. Face à l’isolement diplomatique imposé par les puissances occidentales, elle a réinvesti le terrain eurasien et asiatique avec une intensité nouvelle.
Le sommet 2025 de l’Organisation de Coopération de Shanghai, prévu à Tianjin en Chine, cristallise cette dynamique. Moscou y retrouve ses partenaires clés : la Chine, l’Inde, le Kazakhstan, l’Iran, entre autres. L’un des points forts de ce sommet est la relance de la troïka Russie–Inde–Chine, un format de coopération qui vise à renforcer l’autonomie stratégique de l’Eurasie face aux blocs occidentaux.
La présence annoncée de Vladimir Poutine et Xi Jinping aux côtés de Kim Jong-un à Pékin, à l’occasion d’un défilé militaire, est aussi un signal fort : la Russie joue désormais la carte d’une coalition des puissances “non-alignées occidentales”, prêtes à coopérer dans une logique de contrepoids géopolitique.
SCO, BRICS+, corridors eurasiens : la diplomatie russe se redessine
La Russie est également moteur dans l’expansion des formats multilatéraux alternatifs au G7 et à l’OTAN. Avec les BRICS+, dont elle est un membre fondateur, Moscou pousse pour l’intégration de nouvelles puissances émergentes, notamment africaines et latino-américaines.
Sur le plan économique, la Russie multiplie les accords commerciaux et énergétiques bilatéraux avec des pays d’Asie et du Moyen-Orient. Le projet de corridor de transport international Nord-Sud, reliant la Russie à l’Inde via l’Iran, se renforce comme une alternative aux routes commerciales contrôlées par l’Occident.
Une logique d’“autonomie stratégique” partagée avec Pékin et New Delhi
Si les intérêts russes, chinois et indiens divergent sur plusieurs plans, ils convergent autour d’une idée clé : la volonté de construire un ordre mondial où aucun acteur n’a l’hégémonie absolue.
·La Chine voit dans l’alliance avec la Russie un levier pour sécuriser ses arrières face à la pression militaire américaine dans le Pacifique.
·L’Inde, tout en maintenant ses liens avec l’Occident, participe activement à la SCO et aux BRICS pour préserver sa marge de manœuvre stratégique.
·La Russie, de son côté, entend démontrer qu’elle peut exister sans les circuits économiques occidentaux.
Vers une reconfiguration durable ?
Le succès de la stratégie russe reste conditionné à plusieurs facteurs : la solidité des alliances eurasiennes, la capacité à résister à la pression occidentale, et l’adhésion de nouveaux États à cette logique multipolaire. Toutefois, les dynamiques en cours indiquent que le système international post-guerre froide est bel et bien en mutation.
La Russie, souvent perçue comme sur la défensive, se révèle aujourd’hui comme un acteur offensif dans la diplomatie globale, bâtissant autour d’elle un écosystème géopolitique alternatif.
Si l’Occident continue de jouer un rôle prépondérant dans la gouvernance mondiale, l’ascension d’alliances centrées sur la Russie, la Chine et d’autres puissances émergentes dessine une pluralité de pôles d’influence.
La Russie, en se réinventant comme pivot stratégique du monde eurasien, ne cherche pas seulement à survivre aux sanctions et aux tensions : elle ambitionne de refonder l’architecture des relations internationales.

