

Alors que l’Afrique du Sud accueille, les 17 et 18 juillet 2025 à Durban, le sommet du G20 Finances, un fait discret mais lourd de sens s’impose : le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, ne sera pas là. Officiellement retenu ailleurs, il participera plutôt à un événement économique à Osaka, au Japon. En creux, cette absence illustre un refroidissement réel mais non déclaré entre Pretoria et Washington. Et derrière ce silence diplomatique, c’est tout un rapport de force qui se joue, loin des micros.
Il n’y a pas eu de déclaration publique. Aucun communiqué tranchant. Pas d’annulation soudaine. Juste un nom manquant à la liste des présences officielles. Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, ne participera pas au sommet du G20 des Finances à Durban. Une absence notée, mais peu commentée. Pourtant, dans les cercles diplomatiques, les absences pèsent parfois plus que les discours.

Au même moment ou presque Bessent prendra part à une séquence internationale au Japon, à l’occasion de l’Exposition universelle d’Osaka. Une autre scène, un autre public, un autre ton. Les coïncidences existent, bien sûr. Mais dans le langage politique, les coïncidences sont rarement sans arrière-plan.
Durban est le premier sommet du G20 Finances organisé en Afrique australe. Une opportunité, pour Pretoria, de montrer que les pays du Sud peuvent structurer l’agenda économique mondial. Une occasion, aussi, pour l’Afrique du Sud de démontrer sa capacité à jouer sur plusieurs tableaux : G20, BRICS, institutions de Bretton Woods. Et c’est justement ce positionnement autonome qui semble ne pas plaire à Washington.
Car depuis plus d’un an, les signes de froid diplomatique entre les États-Unis et l’Afrique du Sud s’accumulent. Pretoria revendique une politique étrangère souveraine, non-alignée, mais jugée trop conciliante à l’égard de Moscou par les chancelleries occidentales. Washington, de son côté, n’a pas ouvertement condamné, mais a multiplié les gestes de retrait, les pressions économiques feutrées, et les prises de distance protocolaires.
Le cas de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act), principal levier commercial entre les deux pays, est révélateur. Les États-Unis ont laissé entendre, à plusieurs reprises, que certains privilèges pourraient être remis en question. Et plusieurs voix du Congrès américain appellent à revoir la relation bilatérale, voire à punir l’ambiguïté sud-africaine sur les grands enjeux de sécurité internationale.
Dans ce contexte tendu mais non avoué, ne pas envoyer de représentant de haut niveau à Durban devient un signal en soi. Washington ne critique pas, mais ne s’associe pas non plus. Une posture de retrait stratégique, que certains interprètent comme une forme de “sanction douce”, ou tout du moins, de réduction volontaire de la visibilité américaine sur un terrain désormais jugé incertain.
L’Afrique du Sud, elle, avance. Forte d’un partenariat renforcé avec la Chine, d’une proximité assumée avec la Russie, et d’une volonté claire de rééquilibrer les rapports de force mondiaux. Elle entend faire du sommet de Durban un jalon diplomatique, au même titre que les BRICS l’ont été . Mais sans la présence américaine, ce G20 se tiendra avec une chaise vide. Et dans cette absence, il faudra lire plus qu’un agenda mal calé.
Il faudra y voir un rapport de force, un déplacement des priorités, et peut-être une mise à l’épreuve du continent africain lui-même. L’Afrique peut-elle être actrice centrale sans le regard ni le sceau américain ? Peut-elle peser malgré les silences de ceux qui, hier encore, la couraient diplomatiquement ? À Durban, les réponses viendront peut-être moins des discours que des non-dits. Et cette fois, le langage du monde sera fait de présences… et d’absences.
NGAMA
Correspondant,Moscou

