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Royaume-Uni : cinq ans après le Brexit, entre désillusions économiques et réalignement stratégique

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Royaume-Uni : cinq ans après le Brexit, entre désillusions économiques et réalignement stratégique

En janvier 2020, le Royaume-Uni tournait la page de près d’un demi-siècle de participation à l’Union européenne, promettant à ses citoyens un avenir de prospérité, de souveraineté retrouvée et de contrôle renforcé sur ses frontières. Cinq ans plus tard, le bilan est bien plus nuancé. Loin du « Brexit bénéfique » promis par ses promoteurs, le pays fait face à une série de défis économiques, sociaux et diplomatiques qui questionnent la viabilité de ce choix historique.

Sur le plan économique, les effets du Brexit se sont matérialisés rapidement. Le commerce extérieur a été l’un des premiers secteurs touchés, avec des frictions douanières accrues, des délais allongés, et une perte de fluidité dans les échanges avec le continent. De nombreuses PME, autrefois dépendantes du marché unique, ont vu leurs coûts d’exportation exploser. Les investissements étrangers ont ralenti, particulièrement dans le secteur manufacturier, et certains sièges sociaux européens ont été transférés vers Amsterdam, Paris ou Francfort.

L’économie britannique a également souffert d’un manque criant de main-d’œuvre dans certains secteurs clés, notamment l’agriculture, la santé, l’hôtellerie et la logistique. La fin de la libre circulation a entraîné un recul significatif de la main-d’œuvre européenne, que l’immigration extra-européenne, pourtant en hausse, n’a pas totalement compensée. Cette pression sur le marché du travail alimente une inflation persistante et des tensions sociales croissantes.

Sur le plan politique, le Brexit a fragmenté le Royaume-Uni de l’intérieur. L’Écosse, qui a voté massivement contre le Brexit, renouvelle ses revendications indépendantistes, avec l’argument d’une rupture non consentie.

En Irlande du Nord, les accords du Vendredi Saint ont été mis à l’épreuve par la création d’une frontière maritime avec le reste du Royaume-Uni, cristallisant les tensions communautaires. À Londres, les gouvernements successifs ont peiné à offrir une vision claire de l’après-Brexit, alternant entre discours souverainiste et tentatives de rapprochement pragmatique avec Bruxelles.

Sur le plan diplomatique, le Royaume-Uni a dû redéfinir son rôle dans le monde. En dehors de l’Union européenne, il a cherché à renforcer ses liens bilatéraux avec les États-Unis, le Commonwealth et les pays d’Asie. Certains accords de libre-échange ont été conclus, notamment avec l’Australie, le Japon et récemment l’adhésion au partenariat transpacifique (CPTPP). Mais ces accords n’ont pas compensé la perte de l’accès privilégié au marché européen. L’influence britannique dans les grandes négociations internationales semble s’être amoindrie, malgré un activisme diplomatique toujours présent.

Plus profondément, le Brexit a révélé une fracture durable dans la société britannique. La polarisation entre pro et anti-Brexit reste vive, et la confiance dans les élites politiques a été fortement érodée. L’identité britannique elle-même est questionnée, entre nostalgie impériale et réalités contemporaines. Le débat sur un éventuel retour dans le marché unique reste marginal, mais des voix s’élèvent pour réévaluer certains aspects de la relation avec l’Union européenne, notamment dans les domaines scientifiques, éducatifs ou sécuritaires.

Aujourd’hui, le Royaume-Uni ne s’est pas effondré, mais il n’a pas non plus connu l’élan promis. Le Brexit n’a pas tenu toutes ses promesses, et le pays semble chercher un nouvel équilibre entre isolement stratégique et interdépendance économique.

Alors que d’autres nations observent cette expérience, la trajectoire britannique offre une leçon : quitter un bloc ne suffit pas à restaurer une souveraineté pleine et efficace dans un monde interdépendant. C’est dans la qualité des politiques nationales et la capacité à bâtir des partenariats solides que se joue désormais l’avenir post-Brexit.

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