Le Niger a officialisé le 1ᵉʳ décembre 2025 son intention de vendre directement son uranium sur le marché international, quelques mois après la nationalisation de la SOMAÏR. Une décision qui redéfinit l’équilibre d’un secteur stratégique et affirme la volonté du pays de reprendre la maîtrise de ses ressources.
Lorsque les autorités nigériennes annoncent publiquement, lors d’une allocution diffusée ce 1ᵉʳ décembre depuis Niamey, que l’uranium national sera désormais proposé à tous les acheteurs internationaux, elles inscrivent leur démarche dans une stratégie mûrie depuis le printemps. Le 19 juin 2025, le gouvernement nigérien avait déjà acté la nationalisation complète de la SOMAÏR, la société qui exploite la mine d’Arlit, au nord du pays. Cette structure était jusque-là contrôlée majoritairement par le groupe français Orano, héritier d’Areva, tandis que l’État nigérien n’en détenait qu’un peu plus d’un tiers. En reprenant intégralement la main, le gouvernement entendait mettre fin à une relation jugée déséquilibrée, marquée, selon lui, par des engagements non tenus et par une gestion qui ne servait plus les intérêts nationaux.
Le geste annoncé ce lundi répond donc à une logique de continuité. Il s’agit pour le Niger de transformer un contrôle administratif en souveraineté économique réelle, en choisissant lui-même ses partenaires commerciaux. Les dirigeants du pays ont justifié leur décision en expliquant qu’il n’était plus question de laisser un acteur étranger déterminer la valeur ou la destination d’une ressource considérée comme essentielle à l’équilibre budgétaire national. Ils affirment également que la demande mondiale en uranium, portée par la relance du nucléaire civil, offre un contexte favorable pour négocier à de meilleures conditions.

Cette mise sur le marché mondial intervient toutefois dans un climat de tensions. Après la nationalisation, le groupe Orano a saisi un tribunal d’arbitrage international, obtenant en septembre une décision provisoire qui limite temporairement la vente ou le transfert des stocks issus de SOMAÏR. Niamey, pour sa part, affirme qu’aucune instance extérieure ne doit pouvoir entraver son droit à disposer librement de son minerai. Le bras de fer juridique et diplomatique reflète un débat plus large sur la manière dont les pays producteurs peuvent reprendre le contrôle de leurs ressources stratégiques face à des multinationales historiquement implantées.
Mais au-delà du contentieux, la déclaration du 1ᵉʳ décembre marque un tournant symbolique autant que politique. Elle projette le Niger comme un acteur à part entière sur la scène énergétique internationale et ouvre la porte à de nouveaux partenariats, notamment en Asie et au Moyen-Orient, où plusieurs États cherchent à sécuriser leur approvisionnement. En s’affichant comme vendeur direct, le Niger change son statut : d’exécutant dans une chaîne dominée par des puissances extérieures, il devient décideur de sa trajectoire économique. Reste à savoir comment les marchés, les institutions arbitrales et les anciens partenaires réagiront à ce repositionnement, alors qu’un pays longtemps cantonné à un rôle secondaire affirme désormais son ambition d’exister pleinement dans le commerce mondial du nucléaire.
Mamadou Cheikh, Correspondant Sénégal

