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Accord de paix Israël–Hamas : entre espoir diplomatique et scepticisme géopolitique

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Accord de paix Israël–Hamas : entre espoir diplomatique et scepticisme géopolitique

L’annonce d’un accord de paix entre Israël et le Hamas, saluée par Washington et soutenue par plusieurs puissances régionales, marque un moment charnière au Proche-Orient. Après des mois d’affrontements dévastateurs à Gaza et des milliers de victimes, cette première phase d’un plan négocié sous l’égide des États-Unis suscite un mélange d’espoir et de méfiance. Derrière la photo diplomatique, beaucoup doutent encore de la viabilité d’un cessez-le-feu dans une région où chaque trêve a souvent précédé un nouveau cycle de violences.

Selon les termes communiqués par les médiateurs, la première étape de l’accord prévoit un cessez-le-feu complet, la libération progressive des otages détenus par le Hamas et un retrait partiel des forces israéliennes de la bande de Gaza. En contrepartie, Israël devrait bénéficier d’un engagement du Hamas à cesser les tirs de roquettes et à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire.
L’objectif affiché est ambitieux : transformer ce cessez-le-feu temporaire en un cadre politique durable, susceptible de rouvrir la voie à une solution à deux États — un horizon que beaucoup considèrent désormais comme lointain.

Washington, Le Caire et Doha en chefs d’orchestre

Ce compromis est avant tout le fruit d’une intense diplomatie triangulaire menée par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar, trois acteurs aux intérêts parfois divergents mais unis par la nécessité d’éviter une escalade régionale.
Pour Washington, l’enjeu est double : stabiliser le Moyen-Orient avant l’élection présidentielle américaine et restaurer une image affaiblie par les bombardements à Gaza.
Le Caire, de son côté, joue un rôle clé de médiateur historique, tandis que Doha reste le canal principal de communication avec la direction politique du Hamas.
Cette alliance de circonstance montre que, malgré les tensions, la diplomatie régionale conserve encore une capacité à produire du dialogue dans un contexte explosif.

Une paix sous conditions

Mais la portée réelle de l’accord reste incertaine.
Côté israélien, le gouvernement de coalition de droite dirigé par Benjamin Netanyahou est divisé entre ceux qui voient dans ce compromis une nécessité tactique et ceux qui y perçoivent une faiblesse politique.
Le Hamas, affaibli militairement mais renforcé symboliquement dans son rôle d’interlocuteur incontournable, cherche à obtenir des garanties sur la reconstruction de Gaza et la levée partielle du blocus.
Entre les deux, la population civile demeure la grande oubliée, prise entre l’urgence humanitaire et les calculs politiques.

Les observateurs internationaux appellent à la prudence.
Les précédents accords — d’Oslo en 1993 à la trêve de 2021 — ont souvent échoué faute de volonté politique durable.
L’absence d’un mécanisme de suivi solide, la question du contrôle des frontières et la persistance des colonies israéliennes en Cisjordanie sont autant de facteurs qui risquent de fragiliser le processus.
Les Nations unies, tout en saluant la médiation américaine, insistent sur la nécessité d’un engagement multilatéral et d’une présence internationale capable de garantir la mise en œuvre des engagements pris.

Au-delà de Gaza, cet accord a une portée géopolitique majeure.
Il pourrait redéfinir les relations entre Israël et plusieurs pays arabes signataires des Accords d’Abraham, tout en pesant sur les équilibres de pouvoir en Iran, au Liban et en Syrie.
Pour les États-Unis, il s’agit aussi de contrer l’influence croissante de la Chine et de la Russie dans la région, toutes deux prêtes à offrir des alternatives diplomatiques au modèle occidental.
La paix, si elle se consolide, pourrait ainsi devenir un instrument de repositionnement stratégique pour Washington et ses alliés.

Une reconstruction à haut risque

L’autre grand défi sera celui de la reconstruction de Gaza, estimée à plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Les bailleurs internationaux conditionnent leur aide à une stabilisation politique durable, mais la défiance entre les parties rend la coordination complexe.
La population, épuisée par des années de guerre, attend des gestes concrets : accès à l’eau, à l’électricité, à la santé, et la fin du blocus économique.
Sans amélioration rapide des conditions de vie, la paix diplomatique risque de rester lettre morte sur le terrain.

L’accord Israël–Hamas marque un premier pas vers la désescalade, mais il reste suspendu à la bonne volonté des protagonistes et à la capacité des médiateurs à imposer un cadre crédible.
Le Moyen-Orient a connu trop de fausses aurores pour se satisfaire d’un simple texte.

La paix, ici plus qu’ailleurs, ne se décrète pas : elle se construit dans la durée, à coups de concessions politiques, d’institutions fortes et de confiance retrouvée.
Et c’est précisément cette confiance que la diplomatie mondiale devra reconstruire, bien plus que les murs de Gaza.

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