Depuis l’attaque de missiles iraniens sur Israël mardi, la communauté internationale retient son souffle en attendant la réaction militaire de l’Etat hébreu. Des experts prédisent que les représailles pourraient cibler des installations nucléaires stratégiques en Iran. Mais au-delà de la menace d’une riposte aérienne, les services de renseignement israéliens inquiètent aussi Téhéran, les opérations d’assassinats ciblés à l’intérieur même du pays semant la peur au sein des élites iraniennes.

Suite à la mort du leader du Hezbollah Hassan Nasrallah, l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique, a ainsi été rapidement transféré dans un lieu sécurisé, ont indiqué à Reuters deux responsables régionaux informés par Téhéran. Une précaution qui illustre la méfiance grandissante face aux capacités israéliennes d’opérer des frappes précises sur des cibles de premier plan.

Une efficacité démontrée dans les assassinats ciblés

L’assassinat d’Ismail Haniyeh, en juillet dernier, en plein cœur de Téhéran, en est une preuve flagrante. Le chef du Hamas séjournait dans un immeuble pour vétérans de guerre lorsqu’il a été éliminé au cours d’une attaque dont les circonstances exactes demeurent floues, bien que certaines sources évoquent une frappe aérienne. Cet événement n’a fait que renforcer l’idée que nul en Iran, aussi haut placé soit-il, n’est à l’abri des services de renseignement israéliens.

Ce type d’opérations rappelle d’autres assassinats retentissants ayant frappé l’Iran ces dernières années, notamment dans le cadre du programme nucléaire iranien. Entre 2010 et 2012, plusieurs scientifiques iraniens ont été éliminés de manière brutale. En 2010, Majid Shahriari, un expert en physique nucléaire, est tué à Téhéran lorsqu’une bombe magnétique est placée sous sa voiture.

Quelques mois plus tard, en 2011, Dariush Rezaeinejad, ingénieur en électronique, est abattu par des tireurs à moto. La même année, Mostafa Ahmadi Roshan, chimiste impliqué dans l’enrichissement d’uranium, connaît un sort similaire à celui de Majid Shahriari. L’année précédente, Massoud Ali Mohammadi, professeur de physique théorique, a lui aussi été tué dans l’explosion d’une moto piégée à proximité de sa maison.

L’assassinat le plus marquant reste toutefois celui de Mohsen Fakhrizadeh, principal architecte du programme nucléaire iranien, en novembre 2020. D’après des informations rapportées par le New York Times et corroborées par le Jerusalem Post, Mohsen Fakhrizadeh a été tué alors qu’il se déplaçait entre sa maison de vacances sur la mer Caspienne et la ville d’Absard (est de Téhéran). L’attaque, d’une précision inédite, a été menée grâce à une arme contrôlée à distance, dissimulée dans une camionnette sur le bord de la route: une mitrailleuse qui a pu être actionnée par un agent du Mossad situé à plus de 1500 km et qui avait été introduite en contrebande dans le pays, pièce par pièce. Un assassinat qui avait choqué l’Iran et illustré une fois encore la maîtrise technologique et tactique des services israéliens.

L’infiltration des services de sécurité iraniens

L’assassinat de figures importantes n’est pas le seul défi auquel Téhéran fait face. L’infiltration de certains de ses services de sécurité est peut-être encore plus inquiétante pour l’Iran. Lundi, l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad a révélé dans une interview accordée à CNN Türk que le pays avait mis sur pied une unité spéciale chargée de contrer les opérations du Mossad (service de renseignement israélien chargé du renseignement extérieur et des opérations spéciales, NDLR), mais que l’homme qui avait pris la tête de cette unité était en fait lui-même un agent infiltré d’Israël. Une découverte faite en 2021, qui a soulevé de vives inquiétudes au sein du régime iranien, selon l’ancien dirigeant.

D’après Mahmoud Ahmadinejad, ce responsable n’était d’ailleurs pas le seul infiltré. En réalité, vingt autres membres de cette unité travaillaient eux aussi pour Israël. Ces agents auraient non seulement volé des documents liés au programme nucléaire iranien, mais également joué un rôle clé dans l’assassinat de scientifiques iraniens.

Un phénomène d’infiltration auquel s’ajoute la possible présence de collaborateurs au sein même du régime. Ainsi, après la mort de Hassan Nassralah, le Parisien a révélé, citant une source de sécurité libanaise, qu’une “taupe iranienne” aurait divulgué l’emplacement du chef du Hezbollah, facilitant son élimination par l’armée de l’air israélienne.

L’Iran face à une double menace

Ainsi, l’Iran se retrouve confronté à une double menace. Non seulement le pays doit anticiper les frappes militaires israéliennes, mais il doit aussi affronter une infiltration profonde de ses services de sécurité. Une situation qui rend chaque opération, chaque mouvement, susceptible d’être compromis par des agents travaillant pour Israël.

Pour Téhéran, le défi est donc immense. Entre un contre-espionnage qui a montré des signes de faiblesses et une stratégie militaire israélienne de plus en plus audacieuse, la République islamique doit redoubler de vigilance.

Tristan Hertig