

France : les partis politiques divisés sur l’augmentation du budget de la défense
Emmanuel Macron plaide pour augmenter le budget de la défense au moment où la France enregistre un déficit public de 6 % du PIB.
Le président français Emmanuel Macron est le fer de lance d’un effort qui s’accélère pour remodeler la sécurité européenne. Il prend cette initiative au moment même où la l’Union européenne s’est accordée sur un plan de 800 milliards d’euros pour renforcer la souveraineté de la défense européenne en réponse au rapprochement entre la Russie et les États-Unis.
Mais alors que le débat français sur les dépenses militaires s’intensifie, les divisions politiques signifient que les chances de trouver un consensus sont de plus en plus minces a fortiori face à l’absence de majorité solide à l’Assemblée nationale.
La France alloue actuellement 2 % de son PIB à son secteur de la défense. M. Macron a déclaré au journal français Le Figaro qu’il souhaitait porter les dépenses de défense à 3,5 % du PIB du pays, une augmentation qui nécessiterait 30 milliards d’euros supplémentaires par an.
Une augmentation aussi radicale constituerait un défi majeur compte tenu de l’état des finances publiques de la France, qui sont déjà mises à rude épreuve. L’ambition de M. Macron est en contradiction avec l’objectif actuel du gouvernement de ramener le déficit budgétaire de la France à 5,4 % du PIB d’ici à la fin de 2025, contre environ 6 % en 2024.
Le budget de l’Etat français pour 2025 vise à réduire les dépenses publiques de 30 milliards d’euros et à augmenter les impôts de 20 milliards d’euros afin de réduire le déficit. La question qui se pose au gouvernement est de savoir comment y parvenir.
Le Premier ministre François Bayrou et le ministre de l’économie Éric Lombard ont lancé l’idée de créer un compte spécifique à la défense similaire au Livret A (un compte d’épargne personnel réglementé et exonéré d’impôt dont le taux d’intérêt est fixé par l’État).
M. Lombard a également proposé de rechercher des investissements auprès des banques, des compagnies d’assurance et des investisseurs institutionnels.
Qu’en pensent les Français ?
“Je pense que dans la situation actuelle, la France peut difficilement se permettre d’augmenter sa dette publique”, a déclaré à Euronews Sylvain Bersinger, économiste en chef du cabinet de conseil Asteres.
“Une autre solution est d’essayer d’augmenter la croissance et donc les ressources et les recettes fiscales. Typiquement, cela signifie faire travailler davantage les Français en augmentant l’âge de la retraite. Mais c’est tellement impopulaire que je ne pense pas que ce soit possible. Je dirais qu’il n’y a pas de solution miracle”.
Pourtant, malgré les préoccupations économiques, le soutien de l’opinion publique à l’augmentation des dépenses de défense reste élevé.
Un récent sondage réalisé par l’école d’ingénieurs Ipsos-Cesi a montré que 68 % de l’électorat français était favorable à cette idée.
66 % des électeurs soutenant le parti de gauche dure La France insoumise (LFI), qui se méfie habituellement de toute intervention militaire, ont déclaré qu’ils soutenaient l’augmentation du budget.
Quant aux sympathisants du Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite, un peu plus de la moitié d’entre eux se déclarent favorables à l’augmentation des dépenses militaires.
Quelle est la position des autres partis ?
Si la plupart des députés de la chambre basse du parlement français ont exprimé leur soutien à l’Ukraine en particulier, des divisions politiques subsistent.
La semaine dernière, les législateurs ont débattu de la position de la France sur l’Ukraine et de l’opportunité d’envoyer des troupes de maintien de la paix sur le terrain. Marine Le Pen, chef de file du RN, a déclaré que si elle était favorable à l’aide à l’Ukraine, elle estimait que la France devait donner la priorité à ses intérêts nationaux.
Elle a également rejeté une stratégie de défense européenne unifiée et s’est opposée à toute suggestion d’envoyer des troupes françaises en Ukraine.
De leur côté, le Parti socialiste et les Verts se sont alignés sur le gouvernement, estimant que l’Europe devait renforcer sa souveraineté militaire. Le chef de file des socialistes, Olivier Faure, a déclaré qu’il était opposé à toute mesure qui ferait peser le fardeau sur les citoyens français.
En revanche, il a proposé de taxer les entreprises et de sévir contre les pays de l’UE qui servent de paradis fiscaux aux grandes entreprises technologiques, en particulier l’Irlande et le Luxembourg.
La députée LFI Alma Dufour, quant à elle, s’est inquiétée du fait que l’augmentation des dépenses militaires profiterait en fin de compte à l’industrie de la défense américaine.
“Nous ne sommes pas opposés à ce que la France et l’Europe se réarment”, a-t-elle déclaré lors d’une interview accordée à Franceinfo. “La question est la suivante : si nous dépensons 40 milliards d’euros cette année en équipements militaires, où iront-ils ? Aux Etats-Unis”.
Lundi, un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm a montré que 64 % des importations d’armes en Europe provenaient des États-Unis, suivis par la France, la Corée du Sud, l’Allemagne et Israël.
Alma Dufour a proposé d’augmenter l’impôt sur les milliardaires, affirmant qu’une taxe de 2 % sur les 500 personnes les plus riches de France pourrait générer 25 milliards d’euros, ce qui mettrait la France en bonne voie pour réaliser les ambitions de M. Macron en matière de dépenses militaires.

