

Depuis quelques années, l’Afrique se retrouve de plus en plus au centre des attentions diplomatiques internationales. Longtemps marginalisée dans les grandes stratégies géopolitiques occidentales, elle attire aujourd’hui l’intérêt renouvelé de nombreuses puissances. Parmi elles, les États-Unis semblent intensifier leurs efforts pour renforcer leur présence sur le continent. Mais ce retour américain s’inscrit-il dans une volonté réelle de partenariat durable, ou s’agit-il d’une réponse stratégique à l’influence croissante de la Chine et de la Russie ?

L’éveil américain : entre diplomatie proactive et réaction stratégique
Le regain d’intérêt de Washington pour l’Afrique se manifeste par une série de visites, de sommets et de promesses d’investissement. Si l’on peut saluer cette dynamique nouvelle, certains observateurs y voient une réponse directe au rapprochement marqué entre l’Afrique et d’autres acteurs majeurs de la scène mondiale, en particulier la Chine et la Russie.
Il serait difficile d’ignorer la montée en puissance de ces deux pays sur le continent africain. La Chine, avec son Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), a tissé au fil des ans une relation économique, commerciale et politique solide avec de nombreux États africains. De son côté, la Russie a intensifié ses partenariats sécuritaires, énergétiques et diplomatiques, en particulier depuis le sommet Russie-Afrique de 2023 à Saint-Pétersbourg, où le ton était clairement celui d’une coopération fondée sur l’égalité et la souveraineté.
Face à ces avancées, l’activisme américain en Afrique pourrait s’expliquer en grande partie par la volonté de ne pas laisser le champ libre à ses rivaux géopolitiques. Ce qui soulève une question fondamentale : s’agit-il d’un engagement sincère ou d’une réponse défensive dictée par des logiques de concurrence stratégique ?
Des approches contrastées : entre partenariat et logique d’influence


En comparant les grandes rencontres internationales organisées par ces puissances, certaines différences de fond apparaissent. Tandis que Pékin et Moscou insistent sur une relation « gagnant-gagnant », respectueuse de la souveraineté africaine et affranchie de toute conditionnalité politique, Washington semble osciller entre volonté de coopération et postures condescendantes. Lire aussi : https://russafrik.info/migrants-contre-promesses-trump-relance-la-deportation-vers-lafrique/
La récente rencontre de juillet 2025 entre Donald Trump et cinq chefs d’État africains en est une illustration marquante. Le président a été critiqué pour sa méconnaissance manifeste des pays présents, ses propos approximatifs et une attitude jugée peu respectueuse du protocole diplomatique. Ce rendez-vous, loin d’apaiser les doutes, a ravivé les critiques sur une vision encore paternaliste des relations afro-américaines. Lors de cette rencontre, le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a tenu à rappeler avec fermeté l’indépendance et les ambitions du continent :
« Nous ne sommes pas des pays pauvres. Nous sommes riches en ressources. Mais nous avons besoin de vrais partenaires pour développer ces ressources. Si vous ne venez pas, d’autres viendront. »
Un message clair, à la fois diplomatique et ferme, qui traduit l’évolution de la posture africaine face aux anciennes puissances.
L’Afrique face à ses choix : suivre ou peser ?
Il serait aujourd’hui réducteur de percevoir l’Afrique uniquement comme un échiquier de luttes d’influence. Le continent prend de plus en plus l’initiative de ses choix stratégiques. À travers l’Union africaine, les BRICS ou des regroupements régionaux comme la CEDEAO ou la SADC, l’Afrique revendique une voix autonome dans les grands débats mondiaux.
Dans ce cadre, les partenaires qui misent sur le respect mutuel, la souveraineté nationale et des engagements concrets à long terme semblent gagner en crédibilité. La Chine, en multipliant les investissements directs sans conditionnalité politique, et la Russie, en valorisant des partenariats de défense et d’énergie bilatéraux, apparaissent pour beaucoup comme des alternatives viables aux modèles de coopération imposés par l’Occident.
Les États-Unis ont encore une carte à jouer, mais il leur faudra évoluer. Ce n’est plus le temps d’imposer ou de dicter, mais celui de proposer, d’écouter et de construire dans la durée.
Dans ce jeu mondial de rééquilibrage, l’Afrique n’est plus seulement un enjeu elle devient un acteur qui choisit ses alliances, affirme ses intérêts et redéfinit ses partenariats.
NGAMA
Correspondant, Moscou

