

L’accueil de dizaines d’Afrikaners blancs aux États-Unis par l’administration Trump provoque une onde de choc diplomatique entre Washington et Pretoria. Entre accusations de “génocide blanc”, gel de l’aide sanitaire et tensions autour de la Russie, cette crise dépasse largement la simple question humanitaire.
L’affaire aurait pu passer inaperçue, mais elle cristallise désormais une fracture bien plus large. Depuis le début de ce mois de mai 2025, 49 Afrikaners blancs originaires d’Afrique du Sud atterrissent sur le sol américain, accueillis comme réfugiés politiques par l’administration Trump. La raison officielle ? Washington estime qu’ils sont victimes de discrimination raciale. Une décision controversée, vivement rejetée par le gouvernement sud-africain.
Le président Cyril Ramaphosa a dénoncé une “absurdité totale”, rappelant que les Afrikaners, loin d’être persécutés, demeurent parmi les groupes les plus économiquement puissants du pays. Il accuse Trump de jouer sur des peurs raciales et de courtiser l’extrême droite internationale. Mais au-delà des mots, la réaction américaine prend des allures de sanction.
Dans la foulée, Washington suspend une aide humanitaire cruciale : 436 millions de dollars destinés à la lutte contre le VIH sont coupés. Résultat : 12 cliniques ferment, plus de 8 000 soignants perdent leur emploi, et des dizaines de milliers de patients se retrouvent sans traitement. Une décision jugée brutale, injuste, et aux conséquences sanitaires catastrophiques.
Mais ce conflit diplomatique cache une vérité plus large : les relations entre l’Afrique du Sud et les États-Unis ne sont plus ce qu’elles étaient. Longtemps alliés sur de nombreux fronts, les deux pays prennent aujourd’hui des chemins divergents. Pretoria, au sein du groupe des BRICS, s’est rapprochée de la Chine et de la Russie. Et depuis la guerre Russo-Ukrainiènne , elle a adopté une position de “neutralité” qui irrite l’Occident.
Exercices militaires conjoints avec la Russie, accueil de diplomates chinois, refus de condamner Moscou à l’ONU : l’Afrique du Sud assume son virage stratégique. Pour Trump, cette orientation est perçue comme une trahison. Et plutôt que d’attaquer frontalement le pouvoir sud-africain, il choisit d’instrumentaliser la minorité blanche, à la fois pour embarrasser Ramaphosa et séduire sa propre base électorale.
En jouant la carte de la victimisation blanche, Trump ne fait pas que froisser Pretoria : il attise les tensions raciales, mine les efforts de réconciliation sud-africains, et met en péril des vies au nom d’un calcul politique. Derrière les déclarations de principe, c’est une nouvelle guerre d’influence qui se joue et l’Afrique en est, une fois de plus, le terrain.
NGAMA
Correspondant, Moscou

