

Retour du protectionnisme : Vers une nouvelle guerre commerciale mondiale ?
Au début du mois d’août 2025, les États-Unis ont déclenché une onde de choc sur la scène économique internationale en imposant une série de droits de douane massifs visant plus de 60 pays, dont plusieurs alliés stratégiques. Derrière cette décision : une volonté affichée de protéger l’industrie américaine, de réduire la dépendance extérieure et de relocaliser certaines chaînes de valeur critiques. Mais cette posture marque aussi le retour d’une ère que l’on croyait révolue : celle du protectionnisme tous azimuts.
Depuis les années 1990, le commerce mondial s’est construit autour d’un libéralisme globalisé, avec la baisse progressive des barrières douanières, l’essor de l’OMC et l’intégration croissante des économies émergentes. Mais la pandémie de Covid-19, puis la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques entre les grandes puissances ont fragilisé ce consensus.
Aujourd’hui, la doctrine semble avoir basculé : sécurité économique, souveraineté industrielle et relocalisation sont les nouveaux maîtres-mots des politiques commerciales. Les États-Unis mènent cette transformation avec une approche offensive, multipliant les sanctions, les restrictions à l’exportation (notamment sur les semi-conducteurs) et désormais des taxes punitives.
Des répercussions en cascade sur l’économie mondiale
Les premières victimes de cette nouvelle vague protectionniste sont les pays à économie intermédiaire, qui avaient profité de la mondialisation pour se développer via les exportations. L’Afrique, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine voient se refermer une partie des débouchés internationaux, tout en restant dépendants de technologies et de biens importés.
Le coût des intrants industriels augmente, les chaînes logistiques sont perturbées, et l’inflation importée menace la stabilité économique de nombreuses nations.
Les organisations multilatérales, telles que l’OMC ou la Banque mondiale, tirent la sonnette d’alarme : la fragmentation commerciale risque de réduire la croissance globale de 0,8 à 1,2 % par an d’ici 2030, selon plusieurs projections.
Une redistribution des alliances et des stratégies
Face à cette nouvelle donne, les blocs régionaux se réorganisent :
- L’Union européenne tente de défendre un « protectionnisme vert » fondé sur la taxation carbone aux frontières.
- La Chine renforce son marché intérieur et cherche à sécuriser ses approvisionnements via l’Initiative de la Ceinture et de la Route.
- L’Afrique, souvent exclue des négociations stratégiques, pourrait se tourner vers un renforcement de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) pour compenser sa marginalisation croissante dans le commerce global.
Ce retour du protectionnisme pose une question de fond : la mondialisation est-elle en train de mourir ou simplement de muter ?
Certains économistes parlent désormais de “slowbalisation” : un commerce mondial toujours actif, mais plus lent, plus régionalisé, et plus politisé. Les États n’abandonnent pas le commerce international, mais cherchent à le maîtriser davantage, quitte à sacrifier l’efficacité économique au profit de la sécurité stratégique.
La décision américaine n’est pas un acte isolé, mais le symptôme d’une mutation globale. Dans un monde multipolaire, instable, et confronté aux chocs climatiques, sanitaires et géopolitiques, le commerce devient une arme. À défaut d’une gouvernance multilatérale renforcée, le risque est grand de voir émerger des blocs fermés, des alliances exclusives, et un retour à une logique de confrontation économique permanente.
Le défi, pour les pays du Sud comme pour les puissances moyennes, sera de résister à cette fragmentation, tout en adaptant leurs économies pour préserver leur autonomie stratégique sans se couper du reste du monde.

