

Afrique : Quand le Niger réinvente sa souveraineté culturelle et linguistique
Le 26 mars 2025, une date désormais symbolique dans l’histoire contemporaine du Niger : le pays a officiellement relégué le français au rang de langue de travail, tout en consacrant le haoussa comme langue nationale, dans le cadre de la nouvelle Charte de la refondation. Si ce geste peut apparaître comme un acte politique fort, il représente aussi, à y regarder de plus près, une affirmation culturelle majeure et une volonté de réappropriation de l’identité nationale.
Le haoussa, parlé par plus de 26 millions d’habitants au Niger et au-delà, n’est pas un simple outil de communication. C’est une langue vivante, enracinée dans le quotidien, les marchés, les foyers, la littérature orale et les traditions. En la plaçant au cœur de la vie institutionnelle, le pays renforce l’inclusion linguistique et réduit la fracture entre l’État et une grande majorité de sa population.
Historiquement, le français — utilisé par seulement 13 % de la population — avait instauré une forme d’élitisme administratif et éducatif, reléguant les langues locales au second plan. Ce changement de paradigme est donc aussi un pas vers une démocratie linguistique, où le citoyen s’exprime et comprend les enjeux de la vie publique dans sa propre langue.
Une souveraineté linguistique en phase avec une nouvelle géopolitique
Le retrait du Niger de l’Organisation internationale de la Francophonie, aux côtés du Mali et du Burkina Faso, s’inscrit dans une dynamique de rupture avec des héritages postcoloniaux perçus comme contraignants. En abandonnant le français comme langue officielle, le Niger s’inscrit dans une stratégie de réorientation géopolitique qui valorise ses racines et ses alliances régionales, notamment au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).
L’adoption de l’anglais comme seconde langue de travail illustre aussi une ouverture vers d’autres partenariats internationaux, diversifiant les influences et les possibilités économiques et diplomatiques.
Un défi éducatif et une opportunité pour les générations futures
Bien que la transition linguistique représente un défi considérable, notamment en matière de ressources pédagogiques et de formation des enseignants, elle ouvre aussi la voie à un système éducatif plus inclusif et pertinent. L’introduction des langues locales dans l’enseignement pourrait favoriser l’appropriation du savoir dès le plus jeune âge et améliorer les taux d’alphabétisation.
De nombreux linguistes et éducateurs africains plaident depuis longtemps pour cette valorisation des langues africaines dans l’espace public. Le Niger fait ainsi figure de pionnier dans un mouvement qui pourrait inspirer d’autres nations du continent.

