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Le tribunal de l’histoire : la tuerie de Chasselay

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Le tribunal de l’histoire : la tuerie de Chasselay

Contre une cinquantaine de pertes militaires humaines au Sahel en 9 ans de présence catastrophique, on ne peut plus dormir. Partout la France crie à l’ingratitude du Mali et va gongonner à travers ses médias de propagande éhontés …que sans elle, un État malien ne serait plus debout.

La France a-t-elle jamais pu libérer un lopin de terre africaine ? Entre la France et l’Afrique, qui a vraiment libéré qui ? Quand le présent manipule, c’est l’histoire qui démêle l’écheveau. Pour paraphraser une éloquente réplique du ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, on objectera à la France amnésique que « L’Afrique ne compte plus ses morts » enregistrés lors de divers combats de libération de la France. En la matière, l’histoire de la « tuerie de Chasselay » constitue une belle illustration.

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Une année : 1940

Tout le monde connait « le massacre de Thiaroye » au Sénégal. La « tuerie de Chasselay » lui ressemble à quelques nuances près. Dans le premier cas, c’est l’armée française elle-même qui zigouille sans état d’âme en terre africaine, des soldats africains de retour après avoir combattu héroïquement à ses côtés pour sa libération. Dans le second cas, c’est l’armée allemande qui va massacrer en France sur fond de racisme, des soldats noirs africains qui luttaient et défendaient la France.

Que s’était-il passé ? Nous remontons en juin 1940. « La France est envahie par l’Allemagne. Des tirailleurs africains du 25ème régiment et leurs officiers blancs continuent à résister dans le village de Chasselay, près de Lyon. Originaires du Sénégal, du Mali, de Guinée ou encore de Mauritanie, certains ont été enrôlés de force, d’autres étaient volontaires », relate A+ dans un podcast.

A Chasselay donc, ils combattaient « pour essayer de retenir la puissance allemande », explique l’historienne Armelle Mabon. Malgré leur bravoure et vaillance, « ils ne faisaient pas le poids par rapport à la force allemande », ajoute-telle. Ils seront vaincus et durent se rendre le 20 juin 1940. « Les soldats nazis séparent alors les Noirs des Blancs et au milieu d’un champ, ils abattent une cinquantaine de tirailleurs africains à coups de mitraillettes ».

La barbarie et la cruauté racistes ne s’arrêteront pas là. Bien que déjà fusillés, les bourreaux allemands vont conduire les lourds chars sur leurs cadavres. Au total, près de 200 soldats auront péri dans ce massacre. Un témoin des faits, rencontré par A+ raconte avoir vu plus tard un survivant pitoyable. « Il y en avait un, un qui avait 20 ans. On aurait dit un gosse, quoi. Il avait les deux jambes complètement écrasées, le tank lui avait passé dessus ».

Le « pauvre » dont le péché n’était que d’être noir et de défendre la France, son pays colonisateur, mourra sans avoir vu se réaliser sa volonté d’être emmené à l’hôpital. « Je suis allée le voir mais il était mort.  Vous voyez, j’en pleurerais de repenser  à ça. Et puis, il y en a eu d’autres aussi. »

Les tirailleurs qui ont réussi à s’échapper seront rattrapés…et soumis au même sort funeste. Encore que, il était interdit de les héberger, de leur porter assistance dans leur fuite. « Il fallait quand même avoir du cran pour les héberger. (Ma femme) en a hébergé deux chez elle et c’était quand même contre l’avis du marie… »

Au lendemain de la tuerie, détaille A+, des villageois.es enterreront les cadavres des soldats africains afin de leur rendre un dernier hommage, et ce, malgré l’interdiction des nazis. « En quelques jours, des centaines de soldats africains seront exécutés en France par le IIIème Reich en raison de leur couleur de peau. Considérés comme des sous-hommes, ils incarnaient pour l’occupant la décadence et la contamination raciale de la France. Craints pour la bravoure qu’ils avaient démontrée en 14-18, ils étaient décrits comme des ‘’violeurs’’ par la propagande nazie qui interdisait notamment les couples mixtes ».

Une attitude : l’indifférence vexante de la France

Jusque-là, ne transparaît pas encore l’ingratitude de la France. Seuls les allemands, précisément leur armée brille ici par leur racisme. Tout lecteur épris de justice, d’humanisme est plus porté à « maudire » l’Allemagne. Ce qui est tout à fait normal au regard de cette histoire dont la simple réminiscence attire la nausée.

Mais, en réalité –et sans innocenter les allemands- il faut plutôt juger la France avec une sensibilité de pierre. En effet, « Contrairement au Royaume-Uni qui a engagé des poursuites pour les exactions commises par certains soldats allemands, la France ne réclamera jamais justice », écrit A+, d’un ton péremptoire.

Autrement : des gens se font tuer au nom de la couleur de leur peau alors qu’ils combattaient pour vous. Et plus de 80 ans après leur massacre, vous dont la liberté aujourd’hui est la semence de leur sang versé, n’avez jamais songé à les venger. Ou tout au moins à réclamer justice pour eux. Cette attitude de la France ne fait-elle pas plus mal que le racisme assumé des soldats allemands ?

Ce comportement curieux de la France porte une charge sémantique. Au fond, elle est tout autant ingrate et raciste. Elle félicite intérieurement les soldats allemands d’avoir liquidé ces tirailleurs. Sinon, c’est ce que, elle-même fera plus tard au Sénégal en massacrant des soldats rapatriés qui ne lui réclamaient que leurs pensions méritées.

« C’était des crimes de guerre et la France n’a strictement rien fait. Alors évidemment, on pourrait penser que parce que c’étaient des tirailleurs sénégalais ou des nord-africains, la France n’a pas engagé de poursuites. Oui, sans doute, parce que si ça avait été des prisonniers de guerre blancs, peut-être qu’il y aurait eu un crime de guerre qui aurait été reconnu », décrypte si bien une personne ressource reçue dans l’élément par le journaliste Tanguy Garrel-Jaffrelot.

Une conclusion : la France doit se taire et se cacher la face

Ce n’est pas anodin qu’en Afrique les manuels scolaires ou globalement le système éducatif fait fi de l’histoire authentique des peuples, de l’esclavage, de la colonisation, de la rencontre Afrique-Europe-Amérique. La France contrôle scrupuleusement le contenu des programmes scolaires à l’ombre de l’Unesco. Car, il ne faut pas que la jeunesse africaine connaisse son histoire, l’histoire des rapports entre la France et leurs grands-parents africains. Rapports déséquilibrés dans lesquels la bravoure, l’honnêteté des africains ont toujours trébuché sur la condescendance, l’ingratitude congénitale et le racisme viscéral de la France.

Vu dans l’optique de l’histoire, que vaut la France pour donner des leçons de démocratie, de droits de l’homme aux africains ? Au tribunal de l’histoire, où siègent comme juges les Africains morts comme à Thiaroye et Chasselay, la France s’est pertinemment qu’elle ne peut écoper que de la réclusion à perpétuité.

Chaque africain doit se regarder fièrement et constamment dans le miroir de l’histoire. Il doit savoir qu’il n’a plus rien à gagner avec la France. Que la France n’a pas et n’a jamais été son sauveur, son porte-parole sur la scène internationale. L’Afrique doit se détourner d’elle, lui exiger des comptes la tête haute. Et tout dirigeant qui fait en ce XXIe siècle la courbette à la France doit être purement et simplement sanctionné par le peuple. La France est un parasite déguisé, un pestiféré à fuir. S’il lui est resté un petit sens de l’honneur, elle devrait s’atteler à la repentance et à la correction de ses kyrielles crimes historiques.

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