

Russie : La hausse du nombre de milliardaires fait planer le doute sur l’efficacité des sanctions
De plus en plus de milliardaires russes figurent sur la liste des personnes les plus riches du monde, en dépit des sanctions occidentales liées à la guerre en Ukraine. Cette évolution pourrait toutefois être de courte durée, prévient un économiste, pour qui l’économie russe risque d’être confrontée sous peu à des jours difficiles.
Vingt et un nouveaux milliardaires russes ont fait leur apparition dans le fameux classement Forbes des milliardaires. Un chiffre en croissance, malgré la guerre contre l’Ukraine et les sanctions économiques appliquées par le monde occidental.
Aux côtés des traditionnels oligarques impliqués dans le négoce et la vente de matières premières ou l’immobilier, la fortune de ces nouveaux milliardaires russes provient de secteurs aussi différents que la pharmacie, les services financiers, l’agroalimentaire, les transports ou encore la cosmétique. L’essor de ces fortunes s’est donc produit presque exclusivement dans le secteur des services, un domaine nourri par la consommation, soit les achats de la population ou les crédits souscrits par les ménages.
Le départ providentiel des entreprises occidentales
De telles fortunes ne sont pas apparues du jour au lendemain: “Ce résultat très positif pour les entreprises du secteur privé vient des années 2022 et 2023, lorsqu’en compensation du départ des entreprises étrangères, celles qui sont restées sur le marché russe ont poursuivi leur croissance dans des conditions assez confortables. Leurs bénéfices ont augmenté”, a expliqué l’économiste russe Evgueny Nadorshin lundi dans l’émission Tout un monde de la RTS.
Les entreprises russes ont en effet pu renforcer leurs parts de marché dans des secteurs devenus moins concurrentiels à cause du départ des entreprises occidentales. “En fin de compte, la possibilité pour leurs propriétaires d’apparaître sur cette liste de milliardaires s’est faite tout naturellement”, poursuit le spécialiste, avant de prévenir: “En 2024, la situation a changé. Il n’est pas exclu qu’en 2025 déjà, moins de gens figurent sur cette liste”.
La consommation intérieure va s’essouffler
Avec plus de 4% de croissance l’an dernier, on ne peut pas dire que l’économie russe est en train de s’effondrer. Mais les indicateurs sur la nature de cette croissance sont préoccupants, dans la mesure où c’est la consommation qui a été le moteur de l’économie russe et non les investissements ou l’innovation. Avec des taux d’intérêt à un niveau record de 21% depuis plusieurs mois, les entreprises n’investissent que leurs fonds propres.
La locomotive de la croissance de ces dernières années (les ménages) est aujourd’hui submergée par les dettes. Elle ne peut simplement plus tirer l’économie russe
Problème supplémentaire, avec une inflation qui dépassait encore 10% en février dernier, les ménages font maintenant attention à leur porte-monnaie. “La locomotive de la croissance de ces dernières années est aujourd’hui submergée par les dettes. Elle ne peut simplement plus tirer l’économie russe. Avec la baisse des salaires réels, les montants que les ménages peuvent allouer à la consommation ont beaucoup diminué”, constate Evgueny Nadorshin, pour qui les perspectives qui s’offrent à l’économie russe sont dans le brouillard, du moins pour l’instant.
Si elles ont pu favoriser dans un premier temps certaines entreprises russes, les différentes vagues de sanctions économiques contre la Russie commencent à produire leurs effets, créant des difficultés pour le financement des échanges internationaux de produits et de matières premières russes. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir que Moscou a relancé l’idée d’une levée des sanctions contre Rosselkhozbank – l’établissement qui s’occupe du financement du commerce des produits agricoles russes – en échange d’un nouvel accord sur la navigation en mer Noire.
Une baisse du prix du brut problématique
A l’heure actuelle, le plus préoccupant pour le Kremlin reste la baisse des prix du pétrole depuis quelques semaines: selon les calculs des autorités, les revenus des hydrocarbures doivent en effet financer le tiers du budget de la Fédération de Russie en 2025, et une grande partie de son effort de guerre. Or, cette prévision se base sur un prix moyen annuel du baril russe à 60 dollars, soit environ 10 dollars de plus qu’aujourd’hui.
Et ce n’est pas tout: à la surprise générale, l’OPEP a récemment annoncé une hausse de sa production, ce qui a également fait baisser les cours de l’or noir. Enfin, un ralentissement de l’économie mondiale tel qu’on le prédit si Donald Trump met à exécution sa guerre commerciale avec le reste du monde aurait pour effet de faire baisser le volume des ventes de pétrole russe.
S’il y a moins d’acheteurs et que les prix du brut baissent, Moscou risque d’avoir des difficultés à garantir le niveau de vie actuel de sa population tout en continuant à soutenir son effort de guerre.

