

Le 1er août 2025, les États-Unis appliqueront une nouvelle hausse des droits de douane sur les importations provenant de sept pays : l’Algérie, la Libye, l’Irak, Brunei, la Moldavie, le Sri Lanka et les Philippines. Cette mesure, décidée par le président Donald Trump, impose des taux allant de 20 % à 30 %, dans un silence médiatique relatif mais avec des conséquences géopolitiques bien réelles. Il ne s’agit pas d’un simple ajustement commercial. C’est une décision de pouvoir, froide, calculée, à l’image d’un président revenu au sommet pour imposer une vision du monde qui s’affranchit désormais ouvertement des équilibres d’après-guerre.
Aucune des nations visées ne représente, en soi, une menace commerciale directe pour les États-Unis. Et c’est justement ce qui rend ce choix si révélateur. On n’attaque pas ici des géants économiques : on vise des pays à la fois stratégiques et périphériques, dans lesquels les États-Unis peuvent tester leur autorité sans s’attirer de représailles immédiates. L’Algérie contrôle une part non négligeable du gaz et du pétrole nord-africain, et entretient des liens avec la Russie et la Chine. Le Sri Lanka est une clé maritime entre l’océan Indien et l’Asie. Brunei et les Philippines sont engagés dans l’équilibre fragile de la mer de Chine méridionale. L’Irak reste un point de tension énergétique et sécuritaire. La Moldavie, elle, se trouve sur la ligne de fracture entre l’Union européenne et la sphère d’influence russe. Aucun de ces pays n’est là par hasard.
Trump, agit dans une logique de construction d’un ordre unipolaire assumé. Il ne cherche plus à négocier. Il impose. Ces hausses de tarifs ne visent pas à rééquilibrer une balance commerciale la plupart de ces pays ont des échanges limités avec Washington. Il s’agit plutôt d’un acte symbolique de reterritorialisation du pouvoir américain. Un signal. À ces nations, mais aussi à l’Union européenne, à la Chine, à la Russie : les États-Unis n’hésiteront pas à contourner le cadre multilatéral si cela sert leur doctrine stratégique.
Car il y a bien une doctrine Trump, désormais rodée. Ce n’est pas le protectionnisme classique. C’est une diplomatie des rapports de force, où chaque tarif devient un outil de pression, chaque mesure un test d’alignement. Si ces pays ne réagissent pas, cela légitime la méthode. S’ils répliquent, cela justifie une escalade. Et pendant ce temps, l’administration américaine redessine les priorités, force les réajustements, mesure les faiblesses.
Il ne faut cependant pas sous-estimer les capacités de réaction des pays ciblés. Aucun n’est naïf. L’Algérie, par exemple, a déjà multiplié ses accords énergétiques hors du dollar. Le Sri Lanka, endetté mais lucide, joue un jeu d’équilibre entre les puissances. Les Philippines ont l’expérience des pressions américaines, mais se rapprochent de plus en plus d’autres pôles régionaux. Il serait donc illusoire de croire que ces hausses de tarifs suffiront à plier ces États. Ils sont bien plus résilients qu’il n’y paraît.
Mais dans ce bras de fer silencieux, l’objectif de Trump n’est pas la victoire commerciale. Il cherche autre chose : réaffirmer un leadership unilatéral, reconfigurer les chaînes de loyauté mondiale, remettre en cause les principes de la mondialisation qui ont échappé au contrôle américain. Il n’est plus question ici d’équité commerciale. Ce que l’administration américaine veut démontrer, c’est qu’elle peut agir seule, doit agir seule, et agira seule, si nécessaire.
Ce coup porté à des pays choisis avec soin, ni trop petits pour être négligeables, ni trop puissants pour déclencher une crise, est donc un message codé. À ceux qui écoutent. À ceux qui s’alignent. À ceux qui résistent. Et à ceux, enfin, qui pensaient que les États-Unis resteraient dans les règles qu’ils ont eux-mêmes créées.
NGAMA
Correspondant, Moscou

