

Alors que le Service des renseignements financiers (Samifin) tire la sonnette d’alarme face à la circulation de 100 millions de dollars en crypto-monnaies sur le territoire malgache, une autre lecture s’impose : et si ces actifs numériques représentaient au contraire une chance historique pour Madagascar de sortir de son isolement économique et financier ?
Le constat : une économie en quête de fluidité
Madagascar, comme beaucoup de pays d’Afrique, souffre d’un accès limité aux circuits financiers internationaux. Les restrictions bancaires, les coûts de transferts élevés, et la lenteur des opérations freinent l’investissement, l’entrepreneuriat et même la diaspora désireuse de soutenir leurs familles ou d’investir dans le pays.
Dans ce contexte, les crypto-monnaies ne sont pas seulement des outils de spéculation, mais des solutions concrètes pour des millions de Malgaches désireux de participer à l’économie mondiale sans subir les lourdeurs d’un système financier traditionnel inadapté à leur réalité.
Les chiffres parlent : 100 millions de dollars déjà dans le circuit
Le Directeur Général de la Samifin, Mamitiana Rajaonarison, a récemment affirmé que 100 millions de dollars en crypto-monnaies circulent déjà à Madagascar. Ce chiffre, loin d’être une menace en soi, montre l’appétence de la population pour des alternatives modernes. Cette masse monétaire démontre qu’une adoption de fait est déjà en cours, malgré l’absence d’un cadre légal.
Encadrer, pas interdire : l’urgence d’un cadre juridique
La Samifin procède actuellement à une analyse des risques LBC/FT (Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) dans le secteur des actifs numériques. Cette démarche est légitime et salutaire. Mais au lieu de considérer uniquement les risques, l’État gagnerait à évaluer également les opportunités.
Plutôt que de bloquer ou diaboliser ces flux, il est impératif de mettre en place un encadrement intelligent :
• Création d’un registre d’échange agréé,
• Imposition de normes KYC (Know Your Customer) pour éviter les dérives,
• Fiscalisation progressive des gains crypto,
• Accompagnement des projets Web3 malgaches.
Avec de telles mesures, l’État peut transformer une tendance souterraine en levier de croissance nationale, tout en assurant la sécurité économique du pays.
Un outil de souveraineté et d’inclusion financière
Au-delà des aspects techniques, la crypto représente un puissant vecteur de souveraineté. Elle permet de développer des systèmes de paiement locaux, accessibles même dans les zones enclavées, sans dépendre de banques internationales ou d’institutions extérieures.
Elle ouvre aussi la voie à une inclusion financière massive, en permettant à chacun de disposer d’un “wallet” (portefeuille numérique) pour recevoir, envoyer ou épargner de l’argent, même sans compte bancaire.
Madagascar doit prendre le virage numérique, pas le fuir
L’analyse de la Samifin est attendue d’ici la fin de l’année. Elle marquera sans doute un tournant dans la manière dont le pays perçoit la finance numérique. Mais une chose est déjà certaine : les crypto-monnaies sont là, et elles continueront de croître.
Plutôt que de lutter contre le courant, Madagascar a l’opportunité historique de se positionner comme un acteur novateur en Afrique, en encadrant, régulant et en stimulant l’adoption des actifs numériques. C’est à ce prix que le pays pourra briser les chaînes de son enclavement financier et ouvrir une nouvelle ère d’indépendance économique.
La rédaction

