

Ouagadougou, 4 août 1983. Ce n’est pas un simple jour. Ce n’est pas une ligne dans un manuel. Ce jour-là, le Burkina Faso a pris son destin à bras-le-corps, l’a soulevé à la face du monde, et l’a appelé révolution. Alors qu’une jeunesse désabusée, un peuple opprimé et une nation sous perfusion étrangère tentaient de survivre, une poignée d’hommes a décidé de faire vivre. Ils n’étaient pas milliardaires, ils n’avaient pas de pacte avec l’Occident, mais ils avaient la foi, l’amour du pays, et une vision claire : rendre le pouvoir au peuple. À leur tête, un jeune capitaine de 33 ans, au regard lucide, à la parole droite, au cœur pur. Thomas Sankara. Il ne venait pas chercher la gloire, il venait réveiller l’Afrique.
Le 4 août 1983, la Haute-Volta devient le Burkina Faso. Ce n’est pas qu’un changement de nom. C’est un surgissement. C’est une clameur. Le pays des Hommes intègres est né. Sankara parle d’autosuffisance, de justice sociale, d’indépendance économique. Il refuse l’aide empoisonnée, il demande au peuple de produire ce qu’il consomme, il coupe les salaires des ministres, supprime les privilèges, donne la parole aux femmes, plante des millions d’arbres contre la désertification, crée des écoles, des hôpitaux, des routes. Il refuse les costumes, roule à vélo, mange local, vit comme le peuple. Il gouverne avec une éthique. Il gouverne avec l’exemple. Le monde entier le regarde. L’Afrique l’écoute. Les puissants s’inquiètent. Il est trop propre pour eux.
Mais l’histoire est brutale avec ceux qui dérangent. Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara tombe. Assassiné. Trahi. Foudroyé dans le silence. Un coup d’arrêt. Un deuil sans fond. Un peuple en larmes. Le rêve est suspendu. La Révolution semble enterrée. Mais en vérité, elle est semée. Dans les consciences. Dans les chants. Dans les rues. Dans la mémoire du peuple burkinabè. Et là, elle germe.
Les années passent. Le pays vacille. L’ennemi avance. Le doute s’installe. Mais au plus profond du Burkina, la braise continue de brûler. Elle attend son heure. Et puis, un jour, comme un écho venu de loin, une voix s’élève. Une nouvelle figure, inattendue, surgit des rangs. Encore un capitaine. Encore jeune. Encore droit. Il ne parle pas pour séduire. Il agit pour libérer. En octobre 2022, Ibrahim Traoré prend ses responsabilités. Il parle comme on frappe sur une enclume. Souveraineté. Intégrité. Courage. Détermination. Le peuple le reconnaît. Non pas comme une copie. Mais comme une réponse. Une continuité. Un réveil.

Traoré ne cherche pas la gloire, il cherche la victoire du peuple. Il ne demande pas l’autorisation de protéger son pays. Il le fait. Il n’invite pas les puissants à décider à sa place. Il trace sa route avec son peuple. Et à travers lui, à travers ce sursaut, à travers ce retour de la fierté nationale, le 4 août retrouve sa voix. Le feu de Sankara retrouve une flamme. La Révolution retrouve un visage.
À l’instant même où le Burkina Faso pensait avoir tout perdu après la mort de Thomas Sankara, une nouvelle étoile s’est levée. Elle s’appelle Ibrahim Traoré. Et avec lui, le pays des Hommes intègres regarde de nouveau l’avenir, la tête haute.
NGAMA
Correspondant, Moscou

