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Le Pakistan au bord du chaos après l’arrestation d’Imran Khan, à quel cynique jeu jouent les Etats-Unis de Joe Biden ?

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Le Pakistan au bord du chaos après l’arrestation d’Imran Khan, à quel cynique jeu jouent les Etats-Unis de Joe Biden ?

L’ancien premier ministre, 70 ans, a été arrêté dans le cadre d’un dossier de corruption. Des milliers de partisans ont protesté partout dans le pays, ciblant en particulier des bâtiments militaires.

Imran Khan a été arrêté, mardi 9 mai, à Islamabad, et le Pakistan risque de plonger dans le chaos. L’ancien premier ministre, 70 ans, jouit d’une immense popularité et conteste la légitimité de l’équipe aux commandes du pays, qui l’a forcé à quitter le pouvoir, après le vote d’une motion de défiance au Parlement en avril 2022.

Voilà près d’un an que la coalition menée par Shehbaz Sharif essaie de le neutraliser. Plus de cent procédures judiciaires ont été lancées contre lui. Imran Khan se savait cerné. En mars, la police avait déjà tenté de l’arrêter à Lahore, mais ses partisans avaient fait rempart. Il ne se déplaçait plus qu’avec un gilet pare-balles, et sous protection rapprochée.

Selon le ministère de l’intérieur, il serait détenu au National Accountability Bureau, l’agence anticorruption à Rawalpindi, près de la capitale, Islamabad. Il devrait comparaître, mercredi 10 mai, devant un tribunal spécial réuni dans un bâtiment de police.

Le parti d’Imran Khan, le Pakistan Tehrik-e-Insaf (PTI), a dénoncé un « enlèvement » et a appelé à une mobilisation nationale. « Les courageux Pakistanais doivent sortir et défendre leur pays », a indiqué la formation sur les réseaux sociaux, quelques minutes après l’arrestation. L’appel a été entendu. Des milliers de partisans ont protesté partout dans le pays, ciblant en particulier des bâtiments militaires. A Lahore, la ville natale de Khan, la résidence du chef de l’armée a été saccagée. Mais, surtout, les manifestants s’en sont pris, à Rawalpindi, au QG de l’armée, qu’ils soupçonnent d’être derrière l’arrestation de leur leader. Des routes ont aussi été bloquées à Karachi, Islamabad, Peshawar. L’article 144 du code de procédure pénale, qui bannit les rassemblements publics, a été enclenché.

Tentative d’assassinat en novembre 2022

L’arrestation s’est produite en milieu de journée, mardi, dans l’enceinte de la Haute Cour d’Islamabad, sur ordre de l’agence anticorruption. Imran Khan devait comparaître pour des accusations de corruption. Alors qu’il se trouvait dans la salle de reconnaissance biométrique, des rangers, des personnels paramilitaires, ont investi brutalement les lieux en cassant les fenêtres et les portes. L’ancien premier ministre a été brutalisé, traîné de force à l’extérieur avant d’être jeté dans un véhicule blindé. Son avocat a été blessé.

Imran Khan savait le danger imminent. Il avait enregistré, avant son interpellation, un message vidéo. « Mes Pakistanais, au moment où ces mots vous parviendront, j’aurai été arrêté dans le cadre d’une affaire illégitime. Les droits fondamentaux au Pakistan, les droits que nous confèrent notre Constitution et notre démocratie, ont été enterrés », explique-t-il.

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Les Etats-Unis, les principaux responsables du chaos dans le pays

Dans leur politique envers le Pakistan, les États-Unis sont écartelés entre les besoins à court terme de leur guerre afghane et les exigences à long terme, infiniment plus importantes, de leur lutte contre l’extrémisme islamiste et le terrorisme. Les responsables américains ont tenté de résoudre cette contradiction en arguant que la présence des États-Unis en Afghanistan était nécessaire pour protéger le Pakistan des Talibans : le problème est que cette assertion est à l’exact opposé de la vérité.

La stratégie américaine dans la guerre contre les Talibans afghans suppose d’exercer une forte pression sur le Pakistan pour que celui-ci leur refuse l’asile et que les États-Unis puissent lancer des attaques de drones contre des cibles talibanes au Pakistan. Cela fait sens dans une perspective militaire, les bases des Talibans au Pakistan revêtant une importance critique dans leur combat (le Viêt-minh a beaucoup bénéficié de ses bases en Chine, et le Front de libération nationale [FLN] des siennes en Tunisie et au Maroc).

La menace terroriste de long terme, par contraste, exige des États-Unis qu’ils renforcent l’État pakistanais afin que celui-ci puisse résister à la pression islamiste intérieure, tout en faisant pression sur Islamabad pour prendre des mesures contre Al-Qaida et les autres groupes terroristes internationaux présents sur son sol. La façon dont Washington équilibrera ces priorités dans les années à venir sera d’une importance capitale pour le Pakistan et pour l’Afghanistan, mais aussi pour la sécurité mondiale dans son ensemble.

L’objectif réel des États-Unis en Afghanistan n’est plus de remporter la victoire mais d’éviter la défaite, comme me l’a dit un général américain de haut rang en 2009 lors d’une conversation privée. Le but est donc d’éviter le coup sévère porté au moral et au prestige militaire des États-Unis qui résulterait d’une évidente défaite, sur le modèle de l’effondrement du Sud-Vietnam en 1975. Une nette défaite des États-Unis en Afghanistan aurait pour effet d’enhardir les terroristes islamistes, ainsi que les autres forces antiaméricaines dans le monde. La question est de savoir si cet objectif n’entretient pas la confusion quant aux véritables intérêts occidentaux en Afghanistan et s’il suffit à justifier les dommages causés à d’autres intérêts plus importants, occidentaux et globaux, dans la région.

Dire que la survie de l’État pakistanais, tel qu’il existe aujourd’hui, est le plus crucial de ces intérêts n’est pas une question de point de vue mais de simple logique. Avec environ 170 millions d’habitants, la population du Pakistan est six fois supérieure à celle de l’Afghanistan – ou de l’Irak –, deux fois supérieure à celle de l’Iran, et représente presque les deux tiers de la population de l’ensemble du monde arabe. Une importante diaspora pakistanaise vit en Grande-Bretagne (et aux États-Unis), dont certains membres ont rejoint les extrémistes islamistes et mené des attaques terroristes en Grande-Bretagne. Dotée de passeports britanniques, libre de voyager dans l’Union européenne (UE) et en Amérique du Nord, la communauté pakistanaise du Royaume-Uni représente la plus importante base potentielle du terrorisme islamiste en Occident.

Enfin, le Pakistan possède des armes nucléaires et une des armées les plus puissantes d’Asie. L’inquiétude internationale autour de l’effondrement possible de l’État pakistanais s’est focalisée sur l’hypothèse d’armes nucléaires tombant aux mains de terroristes, mais il faut aussi reconnaître qu’un délitement – certes limité mais substantiel – des forces classiques pakistanaises aggraverait considérablement la menace terroriste, du fait des missiles antiaériens, des diverses munitions et des ingénieurs qualifiés dont les terroristes disposeraient alors.

Contribuer à la destruction du Pakistan serait donc pour Washington une folie. C’est pourtant, à bien des égards, ce que la guerre d’Afghanistan exige. Les États-Unis ont tenté de résoudre cette contradiction de deux façons, l’une théorique, l’autre rhétorique. D’un point de vue pratique, ils ont cherché à réconcilier le Pakistan avec la stratégie américaine en lui accordant une aide financière, qui a particulièrement bénéficié à l’armée pakistanaise. En effet, depuis le 11 septembre, environ un quart du budget des forces armées pakistanaises en moyenne est financé par les États-Unis.

Une attaque américaine contre le Pakistan ?

Le Pakistan est donc loin de la situation de l’Iran à la fin des années 1970 ou de la Russie en 1917. Toutes choses égales par ailleurs, l’armée pakistanaise est une institution unie et disciplinée, et aussi longtemps que cela sera le cas, elle sera assez forte pour écraser une révolte ouverte – comme cela a été prouvé par la défaite infligée aux Talibans à Swat et au Sud-Waziristan en 2009. À la différence de ce qui se passe en Afrique ou ailleurs, les coups d’État militaires au Pakistan ont toujours été menés par l’armée dans son ensemble, sous les ordres du chef d’état-major et des généraux en poste – jamais par des officiers subalternes.

Cette unité et cette discipline ne voleraient en éclats que si un nombre suffisamment grand de soldats pakistanais se trouvaient confrontés à une très forte pression morale et émotionnelle : par exemple, si leur devoir de défendre le Pakistan, de même que leur conscience et leur honneur de Musulmans entraient en conflit direct avec les ordres de leurs supérieurs. Pour autant que l’on puisse en juger, le seul cas qui pourrait entraîner un tel bouleversement au sein de l’armée dans son ensemble (et non pour quelques-uns seulement de ses éléments pachtounes) serait celui d’une intervention américaine en territoire pakistanais, si le haut-commandement ne donnait pas l’ordre de résister.

Le plus dangereux de mes voyages au Pakistan depuis le 11 septembre a eu lieu en août-septembre 2008, quand à deux reprises les forces américaines ont pénétré à l’intérieur des zones tribales pakistanaises pour faire une incursion dans des lieux suspectés d’abriter des bases talibanes et affiliées à Al-Qaida. La seconde fois, les soldats pakistanais tirèrent en l’air pour faire rebrousser chemin aux Américains. Le 19 septembre 2008, le général Ashfaq Kayani, chef d’état-major pakistanais, rencontrait son homologue américain l’amiral Mike Mullen à bord de l’USS Abraham Lincoln et, selon un général pakistanais haut placé, « l’avertissait de la façon la plus ferme de ce qui se passerait si ce genre de choses venait à se reproduire.

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