

Dans une lettre datée ce 12 août 2025 et adressée à son homologue camerounais Paul Biya, le président français Emmanuel Macron a reconnu que la France avait mené une « guerre » contre des mouvements insurrectionnels au Cameroun, avant et après l’indépendance de 1960. Une formulation inédite qui marque un tournant dans la politique mémorielle française, mais qui suscite déjà des réactions contrastées.
Emmanuel Macron a écrit à Paul Biya depuis Paris, ce mardi, pour lui adresser un message qui ne figurait jusque-là dans aucun discours officiel : la France, affirme-t-il, a mené une « guerre » au Cameroun, non seulement dans les dernières années de la colonisation mais également après l’indépendance proclamée en 1960. Ce courrier, dont le contenu a été confirmé par plusieurs sources proches de la présidence camerounaise, reprend certains constats établis par la commission mixte d’historiens franco-camerounais, dont le rapport avait été remis en janvier dernier.
Selon le chef de l’État français, les opérations militaires menées à l’époque contre les indépendantistes, notamment dans l’Ouest et le Littoral, relevaient bel et bien d’une logique de guerre, marquée par des violences intenses, des déplacements forcés et des bombardements. Le mot, longtemps évité dans le vocabulaire officiel, vient ainsi qualifier des événements longtemps enfouis dans un silence institutionnel, malgré les témoignages d’anciens combattants et les travaux d’historiens.
L’initiative s’inscrit dans un contexte où la France cherche à redéfinir ses relations avec l’Afrique, sur fond de concurrence géopolitique et de critiques persistantes à l’égard de son passé colonial. Pour les partisans de cette reconnaissance, l’usage du terme « guerre » dans un document présidentiel est un geste symbolique qui ouvre la voie à une relecture historique plus honnête. Pour d’autres, notamment parmi les victimes et leurs descendants, il ne s’agit que d’un premier pas, insuffisant tant que des excuses officielles et des réparations concrètes ne sont pas envisagées.
Le Cameroun, où les traces de cette période restent visibles dans la mémoire collective, n’a pas encore réagi officiellement. Mais à Yaoundé, plusieurs observateurs soulignent que cette correspondance pourrait peser sur la manière dont le pays enseigne et commémore les années de lutte pour l’indépendance. Reste à savoir si, au-delà des mots couchés sur le papier, cette reconnaissance aboutira à un engagement durable pour affronter les zones d’ombre de l’histoire commune.
En qualifiant enfin cette répression de « guerre », Emmanuel Macron a ouvert une brèche dans un mur de silence vieux de plus de soixante ans. Mais entre reconnaître et réparer, il y a encore un chemin que l’histoire seule ne suffira peut-être pas à parcourir.
Alioum Seidou, Correspondant, Cameroun

