

À l’issue des Assemblées générales de la Banque Africaine de Développement (BAD) qui se tiennent du 26 au 30 mai à Abidjan, le Mauritanien Sidi Ould Tah a été élu président de la prestigieuse institution panafricaine. Il succède ainsi au Nigérian Dr. Akinwumi Adesina, dont les deux mandats successifs (2015-2025) ont été marqués par une politique volontariste de développement des infrastructures et de transformation économique en Afrique.
Ce vote, déterminant pour l’avenir du continent, a été mené par les gouverneurs de la BAD, représentant les 54 États membres africains et les 27 pays non régionaux. Sidi Ould Tah entame un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois, à la tête d’une institution devenue centrale dans le financement du développement en Afrique.
Une élection stratégique, des profils révélateurs
Sidi Ould Tah, qui était jusqu’ici Directeur général de la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA), a su capitaliser sur sa réputation de technocrate rigoureux et de diplomate équilibré. Il l’a emporté face à des concurrents de haut niveau :
• Le Sénégalais Amadou Hott, ancien ministre de l’Économie et ex-vice-président de la BAD
• Le Zambien Samuel Munzele Maimbo, cadre de la Banque Mondiale
• La Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala, actuelle vice-présidente intérimaire de la BAD
• Et le Tchadien Mahamat Abbas Tolli, gouverneur sortant de la BEAC
Ce dernier a cependant suscité de vives réserves. Sa gestion à la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) a été largement critiquée comme étant alignée sur les intérêts français, au détriment de l’autonomie monétaire et financière des États de la zone CEMAC. Pour beaucoup d’observateurs panafricains, sa candidature était incompatible avec la nouvelle orientation souverainiste et de rupture que réclament de plus en plus de nations africaines.
Quelle vision pour la BAD sous Sidi Ould Tah ?
À l’heure où l’Afrique fait face à des défis majeurs , restructuration de la dette, souveraineté alimentaire, industrialisation verte, sortie du franc CFA, intégration des cryptomonnaies, jeunesse en quête d’opportunités , le rôle de la BAD devient encore plus déterminant.
Le président élu a promis de mettre l’équité régionale, l’innovation financière et la réduction de la dépendance extérieure au cœur de sa politique. Il devra également naviguer entre les pressions des partenaires non africains et l’urgence d’ancrer durablement l’Afrique dans une dynamique d’autodétermination économique.
Une BAD pour l’Afrique, par l’Afrique ?
La nomination de Sidi Ould Tah est perçue par plusieurs analystes comme une tentative de recentrage de la BAD vers sa mission fondatrice : être un outil de transformation authentiquement africain. Mais cela nécessitera de sortir progressivement des logiques d’influence héritées de la colonisation économique. L’éviction symbolique de profils comme celui de Mahamat Abbas Tolli, souvent perçu comme « relais de Paris », marque un signal fort envoyé à la jeunesse africaine : le continent change de cap.
L’heure est donc venue pour une BAD nouvelle, plus ancrée dans les réalités du continent et plus libre de ses décisions. Avec Sidi Ould Tah, c’est peut-être l’Afrique des solutions qui prend enfin la tête d’une de ses institutions les plus stratégiques. Reste à voir si les actes suivront les discours.
La rédaction

