Soudan du Sud : les vraies raisons d’une nouvelle guerre
Dans le Soudan du Sud, le plus jeune État du monde, les conflits menacent désormais de s’étendre à l’ensemble du pays et peuvent dégénérer en guerre civile. Les combats ont déjà fait plus de 500 morts. Sur fond de rivalités politiques et ethniques, quels sont les enjeux de cette explosion de violence ? Décryptage en quatre questions.
Elle embrase deux zones, Juba, la capitale du Soudan du Sud et la province de Jonglei, la partie orientale du pays.
Deux hommes se renvoient la responsabilité de ce bain de sang : le président Salva Kiir et l’ancien vice-président Riek Machar, limogé en juillet dernier. Le premier accuse le second d’être à l’origine des combats , suite à une tentative de coup d’État avec des soldats qui lui sont restés fidèles.
Ce que nie farouchement Riek Machar, actuellement en fuite avec quatre autres figures politiques sud-soudanaises. L’ancien vice-président affirme que cette violence relève d’une volonté du chef de l’État lui-même, prompt à se débarrasser de tous ceux qui contesteraient son autorité. Pour preuve, il avance que son limogeage coïncide avec son intention de se présenter à la présidentielle de 2015.
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Les acteurs de cette violence
Chef des ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), Salva Kiir est un Dinka, l’ethnie majoritaire. Il est devenu le 9 juillet 2011 le premier président élu du nouveau Sud-Soudan. Une souveraineté acquise au prix d’une guerre sans répit contre les troupes d’Omar El-Béchir, président du Soudan qui n’a jamais vraiment accepté de perdre de facto le contrôle et l’exploitation de la manne pétrolière de cette région du sud.
Riek Machar, issu d’une branche du peuple Nuer, est un intellectuel, ingénieur de formation et diplômé de l’université britannique de Bradford. Il rejoint les troupes de l’Armée populaire de Libération du Soudan (SPLA) au début des années 80 et tentera, en 1991, un putsch contre John Garang, son chef historique, qui disparaitra plus tard dans un accident d’hélicoptère. A l’occasion du 6ème anniversaire de la mort de John Garang, Riek Machar fondra en larmes et reconnaitra sa responsabilité dans le massacre de la tribu Dinka où l’on estime que 2 000 civils ont été abattus à Bor. Sa haute fonction dans l’appareil d’État en qualité de vice-ministre a toujours été perçu comme stratégique : il est de l’ethnie Nuer, la seconde du pays, alors que l’ethnie Dinka, à l’instar de son président, est majoritaire.
Les enjeux du conflit
Depuis le 14 juillet 2011, la République du Soudan du Sud est officiellement le 193e État membre de l’ONU et le 54ème pays membre de l’Union africaine. Le pétrole du pays est à la fois sa richesse et son drame. Le Soudan du Sud, 10 millions d’habitants, dispose en effet d’importantes réserves de pétrole. La production est estimée à 245.000 barils par jour. Des analystes tablent que l’économie dans le pays pourrait croître de 70 % en un an. Reste que cette manne n’est pas éternelle : selon les spécialistes, les réserves d’or noir pourraient être épuisées dans dix ans.
Les richesses du pays profitent avant tout aux investisseurs étrangers : parmi les plus prospères, on trouve une entreprise chinoise, National Petroleum, un brasseur sud-africain et le premier opérateur de téléphonie mobile est la propriété d’un Libanais.
Au sein du pouvoir, peu résistent à la tentation. Le président Salva Kiir, en 2012, n’hésitera pas à écrire à 75 ( !) de ses ministres pour leur demander de restituer 4 milliards de dollars ! En attendant, faut-il le préciser, le peuple ne voit pas la couleur de cet argent. Selon un récent rapport de la Banque Mondiale, près 50,6 % des citoyens sud-soudanais vivraient sous le seuil de pauvreté.
Les conséquences sur la population
Près de 20 000 personnes se sont réfugiées sur les bases de l’ONU tout autour de Juba, la capitale, depuis le début des combats dimanche soir. “Il est crucial que l’actuelle violence ne prenne pas des dimensions ethniques”, a averti la Mission de l’ONU au Soudan du Sud (Minuss), exhortant “tous les citoyens et les dirigeants à se garder de tout acte incendiaire ou violence contre des communautés en particulier”. Mais des sources humanitaires font état de violences de militaires ciblant d’ores et déjà la communauté Nuer à Juba.
La Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi Pillay s’est dite “profondément inquiète pour la sécurité des civils pris entre deux feux”. Et elle ne mâche pas ses mots sur les dérapages possibles : “le risque que les combats prennent une dimension ethnique est extrêmement élevé et pourrait conduire à une situation dangereuse. Nous avons reçu des informations faisant état de civils tués en raison de leur appartenance ethnique.”
Rien ne semble pouvoir endiguer la propagation des violences. Signe inquiétant et lourd de sens : Washington a annoncé l’évacuation de ses diplomates “non essentiels” et à cette heure, aucun des belligérants ne souhaitent revenir à la table des négociations.
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